Wesenwille – III: The Great Light Above

Le 19 décembre 2022 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • R. Schmidt : Guitares, chant, basse, violoncelle, composition
  • Session : D. Schermann : batterie

Style:

Black Metal Avant-gardiste

Date de sortie:

21 octobre 2022

Label:

Les Acteurs de l'Ombre Productions

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

Rien ne sera moins industriel que la civilisation née de la révolution industrielle.Jean Fourastié

Mine de rien, c’est fou ce que l’industrialisation du monde inspire les groupes actuels. Je ne parle même pas du style de musique que l’on connait bien, popularisé dans les années 2000 par des groupes aujourd’hui largement au-dessus de beaucoup d’autres. Mais bien de l’ère industrielle.
Visuellement parlant, les groupes qui jouent la carte de cette part importante de notre histoire moderne abondent, et je ne suis pas étonné d’une certaine manière que cette apparente « bonne » modernité, toute proprette, soit inspirante pour les groupes en quête de nihilisme ou de pessimisme.

On connait tous les enjeux actuels sur le plan environnemental, et l’on devine aisément que cette généralisation de la technologie dans l’ère machinique puisse être perçue comme une nouvelle forme de chaos, ou de destruction inéluctable de notre civilisation. En fait, surtout dans le genre Black Metal, il y a un virage important du concept global vers une critique acerbe de la modernité.

La fameuse nouvelle vague que bon nombre de puristes voient d’un mauvais œil à cause de ce détournement de « leur » univers musical chéri, parce qu’elle casse les codes établis (par qui?…) et définissent une nouvelle époque. Moi, je trouve que ce virage est intéressant mais à titre personnel, ce n’est pas la vague qui m’anime le plus actuellement dans le Black Metal.

Jusqu’à présent je laissais volontiers cette passation à mon collègue Arno et d’autres, puisque ce dernier en particulier ne semblait pas offusqué plus que cela de ce virage vers un concept noir et malsain centré sur la modernité. Voire l’actualité en général ! La fatigue fait que, spontanément, je n’ai pas d’exemple concret qui me vienne, mais si vous êtes un tant soit peu curieux sur les sorties, vous verrez ce que je veux vous raconter. Mais ce soir, je me lance dans la chronique d’un groupe que, jusqu’à présent, je suivais de très loin.

Je connaissais le nom, j’ai lu les chroniques sorties chez Soil Chronicles avant, j’ai su que ce groupe était largement acclamé par la critique et… Comme je suis un brin idiot, dès qu’on encense un groupe, je ne l’écoute pas. Pour des raisons probablement métaphysiques comme les envies de périples de Sylvain Tesson que j’adore, mais aussi pour ce penchant vers un décorum de modernité qui me laisse un peu plus de marbre. Mais qu’importe! J’ai un challenge et je suis chaud patate pour le relever, c’est celui de faire la chronique de Wesenwille et de son dernier album nommé III: The Great Light Above.

Wesenwille est un groupe hollandais qui est constitué initialement d’un duo de musiciens, un multi-instrumentaliste et un batteur. Le combo gagnant selon moi car l’apport d’un batteur dans une formation musicale est prépondérante, la différence est flagrante ! Puis, sans raison connue, en tout cas de moi, le batteur est parti, laissant le multi-instrumentaliste tout seul.

Fort heureusement, ce duo a réussi à sortir au préalable ce dernier album nommé III: The Great Light Above, et deux albums avant, une compilation et un single. Le groupe est signé chez Les Acteurs de l’Ombre Productions depuis le deuxième album, le premier ayant été produit par un autre bon label, Redefining Darkness Records, qu’on connait bien chez Soil Chronicles. Voilà !

Du reste, notre camarade Ruben Schmidt sait s’entourer de nombreux musiciens pour ses concerts, permettant à ses fanatiques d’aller découvrir sur scène l’œuvre de Wesenwille, œuvre intimiste mais profondément complexe. Vous allez le découvrir tout de suite !

Le groupe a toujours connu une continuité dans ses artworks. J’ai cherché le nom de l’artiste mais je n’ai pas trouvé. Simplement, je dois reconnaître que le style proposé est vraiment très beau, artistique et original. Je parlais d’un contexte fortement emprunté à l’industrialisation et ses ravages, eh bien, si vous prenez les artworks, vous êtes manifestement dans cet acabit très dramatique.

Toutefois, je trouve que cet exercice actuel s’est avéré un peu moins marqué que les précédents que je trouvais magnifiques, avec un artwork toujours sur des tonalités grises. Quant à la pièce maitresse de l’image, je ne sais pas ce que c’est. Alors, on pourrait s’imaginer qu’il s’agit tout simplement d’une création sans réelle accroche avec un truc déjà existant, cela peut se comprendre. Mais je note qu’en prenant ce risque visuel, Wesenwille se tire un peu une balle dans le pied.

Attention ! Stylistiquement parlant, l’artwork est vraiment très beau ! Je ne dis pas que ce dernier n’est pas attirant, pas le moins du monde ! Mais j’aurais aimé soit que Wesenwille pare son album III: The Great Light Above d’un habit d’apparat similaire à ce qui se faisait dans les autres opus, histoire d’avoir de la continuité et surtout plus de sens.

Parce que là, j’ai beau me creuser la cervelle sur l’éventualité d’une « formidable lumière au-dessus », je ne vois pas. On dirait plutôt un souterrain qu’une représentation de ce qui se passe au-dessus… Vous allez me dire que je chipote. Mais c’est important d’avoir un visuel qui a du sens.
N’oubliez jamais que c’est la première impression que vous avez d’un album. Donc, pour moi, si l’on reste sur le genre, c’est du très beau ! Mais sur le fond, cela reste trop abstrait pour que j’y voie un quelconque intérêt. A revoir.

Comme je le pressentais, Wesenwille part explorer les sentiers complexes et chaotiques d’un Black Metal que je situe assez difficilement. En fait, contrairement à ce que son étiquette primaire le laisserait entendre, et qui est reprise un peu partout, la musique des hollandais est particulièrement destructurée, avec des soubresauts rythmiques frappants et une sorte de montée en puissance sur plusieurs passages, quelques pauses en clean ou légèrement ambiantes, qui me font cruellement penser à une sorte de Black Metal progressif ou avant-gardiste.

Les deux sont étroitement liés, mais je pense que la frontière est faible puisqu’on retrouve le côté complexe des structures, allant jusqu’à une forme de déstructuration et de chaos sonore, une utilisation plutôt singulière des instruments y compris jusqu’à la batterie qui joue le rôle de cassure rythmique plus que d’un repère précis, une basse qui participe à cette embrouille composale et même le chant semble un peu perdu. On est évidemment très loin d’un groupe comme Meshuggah par exemple, mais en revanche le groupe cite Deathspell Omega comme une de leurs références, et je crois qu’effectivement il y a clairement de cela même si le groupe français surfait sur une vague assumée de Black Metal Avant-Gardiste.

Bon, je ne vous cache pas que n’étant pas féru de ce style précis de Black Metal, je ne peux pas vous dire avec certitude de quel genre il s’agit. Donc pour faire vague et sécurisant, on dira Black Metal Avant-Gardiste.

En tout cas, il convient de préciser que ce genre d’albums n’est pas à mettre à la portée de n’importe quelle oreille, puisque ces phases de destructuration massive et ce son si particulier qui maintient l’auditeur dans une incision sonore extrême et un sentiment de chaos palpable vont finir de liquéfier la plupart d’entre vous. Pour ma part, sur la première écoute, je dois dire que l’exercice ne m’a pas été si pénible que sur quoi je reposais mes désespoirs. En fait, j’ai même bien aimé !

Certains passages sont franchement solides et prenants, d’autres m’échappent toutefois beaucoup, et il n’y a pas de juste milieu envisageable dans ce brouhaha musical. Il faut aimer les albums plein de techniques, plein d’idées et de richesse. J’adore la richesse musicale mais quand elle maintient un degré de raisonnable, c’est pourquoi cette première écoute ne m’aura pas toujours été harmonieuse et sans séquelle. Toutefois, sur l’ensemble de l’écoute, et parce que je suis quand même sensible comme je disais à toute cette abondante imagination qui germe d’un cerveau aussi génial, j’ai fini par bien accrocher. Ce III: The Great Light Above est décidément très surprenant !

Et pour mieux digérer cette musique, je suis bien aise de dire que la production est top ! Il fallait, sincèrement. Je n’imagine pas un seul instant une production raw pour un album aussi technique et poussée structurellement parlant.

Le son est en tout cas très moderne, ce qui se fait de mieux ou non selon les avis de nos jours, mais en tout cas l’ensemble instrumental est très audible, bien équilibré, un peu trop mécanique pour moi mais globalement l’ensemble demeure largement appréciable. J’adore surtout le son de la batterie qui cogne sévère notamment sur les toms, et cette dernière envoie un degré d’épaisseur qui casse bien la dynamique incisive des guitares et de la basse. Le Black Metal, peu importe sa seconde peau, envoie toujours une rafale de musique froide par le son, et incisive par les mélodies, alors quand la batterie ajoute un soupçon d’épaisseur comme ici, l’ensemble devient nettement plus digeste. C’est le charme de ses productions modernes dans le Black Metal, pourtant décriées, alors qu’en fait elles ne font que donner cette identité caractéristique des groupes contemporains comme Wesenwille.

J’y vois un peu de relents Post-Hardcore d’ailleurs sur les sonorités et même quelques riffs, mais je peux me tromper. En tout cas, sur la production, il y a eu un énorme boulot, manifestement. On ne peut pas renier cela surtout quand le résultat final est largement au-dessus de ce que l’on était en droit d’attendre de la part d’un groupe qui se revendique d’une approche plus moderne, plus propre et carrée de la musique Black Metal. Encore une fois, cela ne plaira pas à tout le monde, il est bien évident que cette nouvelle vague ne fera pas que des heureux. Mais franchement… Si on demeure objectif, ce genre de productions, c’est du petit lait. Ni plus ni moins. Alors, pourquoi cracher dans la soupe? III: The Great Light Above est une juste une putain de tuerie sonore, point.

Maintenant, je pense que si l’on s’amusait à faire une analyse systémique de la musique de Wesenwille, je la perçois comme une belle allégorie de ce que finalement, le Black Metal a toujours revendiqué : la perception du chaos et du nihilisme. Alors, jusqu’à une époque plus lointaine, les groupes de ce style faisait dans le linéaire et le basique si j’ose dire, ce qui a son charme indéniablement. Mais aujourd’hui, les groupes apportent une approche plus représentative encore selon moi de cette logique destructrice. A savoir une musique sans structure logique, avec un son qui demeure la pièce maitresse et conductrice de cette apparition chaotique, et surtout quelques courts moments de pause pour que l’auditeur et peut-être à moindre mesure les musiciens, reprennent leurs esprits.

Wesenwille surfe très clairement sur cette métaphore musicale marquée, avec comme je disais une part belle faite à la destruction de toute logique composale, des pistes progressives ou simplement sans logique, et donc ce Black Metal qui fonctionne par des incisions aux guitares et des mélodies lancinantes. Et même si cela relève de ma seule interprétation, cette destructuration me rappelle énormément ce que l’on pourrait entendre dans des immenses usines. Ce son mécanique, un peu trop comme je disais, me fait réellement penser à des grosses usines. Mais bon, cela relève de mes fantasmes, moi qui suis imprégné du travail de Lustmord qui utilisait énormément d’apports industriels dans sa Dark Ambient.

Voilà donc ! Wesenwille est un groupe difficile à cerner pour le commun d’entre nous, moi compris, mais au final, en restant objectif de bout en bout, on se rend vite compte que cet album est un petit bijou plein de carats et de sens.

Et pour aller encore plus loin, un petit paragraphe pour le chant comme d’habitude. On ne change pas une équipe qui gagne, surtout quand l’équipe est un seul membre… Bref! Le chant est peut-être une des rares énigmes de ce III: The Great Light Above. C’est l’aspect technique qui m’échappe un peu. Sur la rythmique, au vu de l’exercice très difficile, je suis plutôt bluffé parce que le chant s’inscrit très bien sur les parties instrumentales, et ce n’était manifestement pas une mince affaire! Mais la technique me laisse un peu perplexe. Je n’arrive pas à situer la technique vocale, j’ai peur qu’en fin de compte ce soit une coloration unique et dans ce cas, cela relève pratiquement du génie, soit c’est une technique hasardeuse pour le genre Black Metal et je trouve alors que la technique est un peu hors sujet.

En fait, ce qui me désarçonne c’est que je ne parviens pas à savoir si ces vocalises, au demeurant bestiales et dantesques, sont réellement appropriées à la musique derrière. C’est une des rares fois où je n’arrive pas à me faire une opinion franche sur le chant d’un album. Alors, je me dis qu’on pourrait faire abstraction, pour une fois, de mon avis dessus. Cela m’évitera de plonger dans une forme d’indécision qui ne me ressemble pas, et on pourrait ainsi prendre ce constat d’échec comme quelque chose de positif pour Wesenwille. Ouais! C’est pas mal ça tiens!

Pour mettre un énième point final à une énième chronique, voici que le groupe Wesenwille m’a quelque peu mis d’accord sur mon aspect pathologique de ne jamais écouter les groupes qu’on me recommande, et qui me fait passer à côté de quelques pépites, comme le chercheur d’or ne se pencherait pas pour les ramasser par… Je ne sais quelle explication.

La connerie, peut-être. Bon. On ne va pas sortir les mouchoirs toute la soirée! Dans un style que d’ordinaire je ne goûte guère, III: The Great Light Above, troisième album d’une trilogie de Black Metal Avant-Gardiste est certainement un album qui va plaire objectivement à pas mal de public, mais qui va aussi ne pas trouver son auditoire dans la sphère pénible des puristes tant cet album fleure bon les senteurs d’un Black Metal moderne et destructuré. Cette approche singulière et déroutante d’une musique qui se veut initialement linéaire et minimaliste, permet en tout cas d’aller sur un chaos sonore et un nihilisme musical qui, je le crois désormais, n’a rien à envier à ses illustres prédécesseurs. Ce Black Metal, estampillé Wesenwille, a tous les arguments objectifs pour amener des albums coups de poings et froids comme le métal de cette industrialisation qui a fait des ravages aussi durs que les sempiternels démons et autres bêtes à cornes. Sublime.

Tracklist :

1.Revelation of the Construct (09:49)
2.Transformation (04:32)
3.The Legacy of Giants (08:14)
4. Trinity (03:46)
5. Our Sole Illuminator (09:39)
6. Eclipse (02:51)
7. The Specular Gaze (07:00)

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