Varanak – Relics of Mourning

Le 16 mars 2021 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Andrew Hudkins : tous les instruments, chants
  • Owen Pomykacz : batterie sur les morceaux 1 à 3
  • Brandon Essig : batterie sur les morceaux 4 à 5
  • Jeff Dileo : claviers sur les morceaux 4 à 5

Style:

Doom Death Metal / Sludge Metal

Date de sortie:

15 mars 2021

Label:

Brucia Records

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10

« Parler de ses peines, c’est déjà se consoler. » Albert Camus

Pour cette nouvelle chronique, étant un peu à court concernant une introduction, je vous laisse méditer sur ce texte extrait de Métapsychologie, de Freud, bien connu comme étant l’un des fondateurs de la psychanalyse, actuelle pierre angulaire de la psychologie et du soin psychiatrique en France (du moins, encore…). Parce qu’il résume très bien la pensée que je me fais de la mélancolie, des différentes étapes du deuil qui nous concerne indirectement ici avec le groupe que je me hâte d’étudier. Je vous laisse pour cette lecture minutale, et je reviens après, le temps de me faire un café. A tout à l’heure!
« La mélancolie se caractérise du point de vue psychique par une dépression profondément douloureuse, une suspension de l’intérêt pour le monde extérieur, la perte de la capacité d’aimer, l’inhibition de toute activité et la diminution du sentiment d’estime de soi qui se manifeste par des auto-reproches et des auto-injures et va jusqu’à l’attente délirante du châtiment. Ce tableau nous devient plus compréhensible lorsque nous considérons que le deuil présente les mêmes traits sauf un seul: le trouble du sentiment d’estime de soi manque dans son cas. En dehors de cela, c’est la même chose. Le deuil sévère, la réaction à la perte d’une personne aimée, comporte le même état d’âme douloureux, la perte de l’intérêt pour le monde extérieur (dans la mesure où il ne rappelle pas le défunt), la perte de la capacité de choisir quelque nouvel objet d’amour que ce soit (ce qui voudrait dire qu’on remplace celui dont on est en deuil), l’abandon de toute activité qui n’est pas en relation avec le souvenir du défunt. Nous concevons facilement que cette inhibition et cette limitation s’adonnent exclusivement à son deuil, de sorte que rien ne reste pour d’autres projets et d’autres intérêts. Au fond, ce comportement nous semble non pathologique pour la seule raison que nous savons si bien l’expliquer. » Voilà. Maintenant que je suis de retour, nous allons pouvoir aborder ce nouveau chapitre Soilien, en causant quelques instants du groupe Varanak et de son premier EP, réédité (SPLACH!) et qui se nomme Relics of Mourning.

Alors, Varanak, contrairement à ce que l’on pourrait s’imaginer, n’est pas un groupe européen ni asiatique. Mais américain! Oui! Le groupe, qui est en fin de compte un one-man band, est originaire du New Jersey, et son maître à penser s’appelle sobrement A. Rien de bien incroyable jusqu’ici, au moins le pseudonyme ne sera pas difficile à retenir. Bon, en vérité, le musicien s’appelle Andrew Hudkins et a été dans le groupe Silence of the Grey, en tant que chanteur, guitariste et claviériste. Pour le reste, on ne sait pas grand-chose d’autres. Concernant son projet musical solo, il existe depuis 2013, mais la première démo a été composée en 2016 et est sortie en 2020. Elle se nomme d’ailleurs Demo MMXX, rien de bien original! Surtout quand on s’aperçoit du temps que prend notre ami américain pour d’abord composer, ensuite publier. Ensuite, intervint l’EP appelé donc Relics of Mourning qui est sorti une première fois en version digitale, et en autoproduction, le 13 novembre 2020. Et c’est là que j’entre en scène : cet EP a été produit par Burcia Records en format CD pour le 15 mars 2021, et je dois dire que si je me réjouis pour notre copain Andrew, je trépigne un peu à l’idée que non seulement la chance doit y être pour quelque chose, mais qu’en plus ce mec doit être pétri de talent pour se voir proposer une collaboration pour un premier EP. J’ai hâte!

Pour ce qui est de l’artwork, je suis bien agréablement surpris! La première édition était déjà de bel acabit, avec ce bouquet de fleurs très colorées, orné d’un fanion comme dans les cérémonies des enterrements, le tout sur un fond noir avec un logo violet flashy, je le trouvais déjà très beau. Original même quand on découvre le style de musique amené. La réédition propose pratiquement la même chose mais cette fois-ci, avec un fond violet flashy, un logo blanc plus gros et le bouquet de fleurs change sensiblement de couleur. Je préférais les couleurs de l’EP initial quand-même, mais j’adore ce fond violet très éclairé, lumineux presque! L’intérieur du CD est composé de photographies mortuaires, faites dans les cimetières. Un truc plutôt classique mais qui, en proposant cet artwork coloré et voyant, se démarque bien de ce qui se fait habituellement de manière pompeuse. De fait, ce contraste est non seulement saisissant, mais en plus permet de faire en sorte que les photos soient attirantes. En tout cas, on est en totale accord avec le nom de l’EP qui fait donc la part belle au deuil, et des reliques qui en restent quand il s’estompe. Sur le principe du deuil d’un point de vue psychanalytique, il ne devrait pas y avoir de résidus une fois ce dernier pleinement accompli. Mais Varanak nous propose une vision beaucoup plus torturée et plus fataliste que ce qui s’étudie, et j’apprécie cette digression. Elle est intéressante et cette pochette donne doublement envie de découvrir son univers musical. J’adore.

Sincèrement, la musique est énorme. Démentiel est même le mot adéquat! Alors, autant l’appellation d’origine (contrôlée?) qui était du « blackened doom metal » m’avait laissé très perplexe tant je ne voyais pas comment cela était possible. Il me semblait même que c’était une sorte d’aberration musicale très prononcée. A cet instant où j’écris, je maintiens que ce n’est pas du « black doom », j’ai un peu peur que cette étiquette soit une sorte de marketing facile, du genre « j’ai inventé un genre, écoutez-moi! ». Par contre, cela n’enlève absolument en rien l’incroyable noirceur de cette musique doom metal! Je situerais plus aisément la musique de Varanak sur un mélange de doom death metal et de sludge. L’artiste me fait énormément penser à Lethvm, groupe belge dont j’avais fait la chronique en 2017 de mémoire, et qui m’avait totalement rendu fou de maladie avec sa musique tellement elle était noire. C’est exactement ou presque la même chose ici. Tout met dans une ambiance très malsaine, avec une torture exprimée avec grâce dans la musique aussi bien lourde et lente, que rapide et incisive. En fait, je trouve que la musique de Varanak fonctionne un peu comme un pervers narcissique : souffler le chaud et froid par des rabaissements et des flatteries successives (que l’on peut transposer sur les passages riffiques différents, entre doom et rapide), une manipulation patiente et insidieuse (pour l’atmosphère de noirceur extrême) et au final, le happement final intervient. Cette musique est donc entrainante mais vers les abysses. La première écoute m’a fait l’effet d’une énorme tarte dans la figure, comme si je me prenais toutes les turpitudes et souffrances de mes patients depuis douze ans en cinq chansons. Un truc de malade tant le contraste est saisissant entre l’artwork coloré et cette musique d’une ombre tellement opaque qu’elle en devient angoissante!

Et l’immense point fort de cet EP, réédité de surcroit, c’est la production. Alors sincèrement, si vous cherchez une production qui vous fait l’effet d’un uppercut dans les tempes, n’allez pas plus loin et attardez-vous immédiatement sur Relics of Mourning! Je dirais que dans le genre doom metal, c’est un peu un cas d’école! Le son est extrêmement lourd, avec une basse au premier plan et très distendue, une batterie qui oscille habilement entre des passages avec les tomes basses et medium, et des moments de franches accélération, avec des guitares toutes aussi distendues, enfin tout ce qui est typique d’un son que l’on attend généralement d’un doom metal normal mais surtout moderne, alors imaginez avec cette lourdeur incroyable qui incombe au style death. Sachant que Varanak rajoute des ponts en clean, ou en introduction simple avec une guitare toute seule, voire même des claviers sur les deux derniers morceaux. Donc, un mixage et mastering assez complexe à réaliser, mais qui rend un résultat incroyable. Un vrai bijou de travail en studio pour un résultat qui va au-delà de toutes mes espérances dans le genre. Je suis tout simplement sur le cul, bien ancré sur le sol parce que le doom metal proposé est moderne, donc avec un son remis au gout du jour et qui transpire l’expérimentation diverse par la souffrance psychique de l’auteur de ce CD. Gros gros point fort donc pour cet EP!

Je reviens sur le nom de « blackened doom » parce qu’au final, si j’ai encore du mal avec, j’ai au moins saisi le lien qui les rapproche ensemble. Il m’aura fallu stricto facto quatre écoutes pour comprendre. En fait, l’auteur a épanché cette souffrance létale que l’on trouve habituellement exprimée dans les genres black metal divers et que ce dernier a voulu retranscrire dans un genre doom metal. D’ailleurs, ce dernier utilise majoritairement un chant high scream banal dans le black metal. Mais je pense que cette étiquette qui d’ordinaire me ferait tiquer péniblement, ne doit pas dépasser la musique qui est sublime. Quelque part, on s’en fiche un peu du style quand on comprend qu’il n’y a qu’une personne derrière son navire et qu’il a un cap dont il se tient rigoureusement. Et ce cap, c’est l’éloge du deuil souffreteux. Ce que j’ai adoré, mais au sens le plus beau, dans cet EP, c’est l’immense poésie qui se dégage de cette musique pourtant à consonance lourde et lancinante. Avec quelques passages bien calmes et les accords qui déversent une certaine animosité, on ne peut que plonger dans cet océan de larmes qu’est Relics of Mourning. C’est donc pour moi plus qu’une énorme découverte : c’est une révélation.

Il y a une pléiade d’invités dans cet EP, sachant qu’Andrew Hudkins compose tout mais en studio se contente de faire tout sauf la batterie. Et ça, c’est une satisfaction plénière pour moi qui prône le fait d’embaucher des batteurs dans les one-man band. Seul un batteur peut en effet dénicher les petites subtilités d’une composition, les rajouts techniques qu’il faut accomplir, ou les linéarités nécessaires. De toute manière, une musique dont le protagoniste fait tout même sa batterie, sans être batteur de formation, cela s’entend. C’est même risible parfois! Donc déjà, avoir pris un batteur de session est un excellent point. Ensuite, il faut savoir que les deux dernières pistes sont rajoutées avec la réédition et que, non seulement le batteur change (et cela s’entend aussi!), mais qu’il y a aussi un claviériste de session pour ces deux morceaux. Et là encore, le résultat est époustouflant. On devine en tendant bien l’oreille qu’il y a une différence entre les trois premiers morceaux et les deux derniers, évidemment grâce aux claviers et à la nouvelle batteuse, mais aussi dans le style un peu plus sophistiqué qui est adopté pour la suite. Un metal un peu moins minimaliste que précédemment, cela augure du bon pour la suite! Déjà qu’on a frappé un grand coup.

Et puis, on ne peut pas passer au travers du chant, après avoir loué le travail de Hudkins pour embaucher ses zikos de session et ses compositions exceptionnelles. Le chant est donc ce qui s’apparente le plus près du black metal. Comme je citais précédemment, ce dernier est assez varié, entre du grunt grave très profond et très doom death, et du high scream majoritaire et donc blackened. L’intérêt principal étant de savoir si ce dernier ne se rapprocherait pas d’un chant sludge metal assez typique dans une incorporation avec du doom. Mais que nenni. Le high scream est une belle technique vocale proche du black metal ici, et rajouter une dose de macabre dans cette solitude mortuaire qui est une trépanation de la musique de Varanak. En tout cas, Hudkins est un chanteur très doué et très juste dans sa façon de le placer que ce soit rythmiquement que dans le style. Excellent boulot!

Allez! Concluons ensemble cette chronique qui sonne comme un gros coup de cœur dédoublé d’une surprise! Varanak, que je ne connaissais pas du tout, m’a mis une vraie leçon de doom metal dans sa forme la plus expérimentale. C’est dans cette recherche de sophistication et d’incorporation qu’Andrew Hudkins a su trouver une formule totalement efficace pour me plaire, avec donc un doom qui oscille intelligemment entre du doom death et du sludge selon moi. Pas trace de « black doom metal » comme ce fut indiqué en amont, pour moi c’est encore plus fou que cela! Et cette étiquette a le démérite de désacraliser la musique géniale de Varanak, qui bouleverse nos âmes et nous aspire dans un tourbillon lent et lourd de dépréciation lancinante. Une formidable odyssée vers la noirceur qui fait de ce premier EP réédité un truc phénoménal à ne surtout pas rater. Veillez toutefois à avoir une boite de Mirtazapine, on ne sait jamais.

Tracklist :

1. Aconites and Marigolds
2. Relics Immemorial
3. Evergreen
4. The Void of Despair
5. Boga Net

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