Line-up sur cet Album
- Xavier Legrand : batterie
- Geoffrey Deghaye : guitare, basse
- Olivier Jacqmin : chant
- Karim B. : guitare
Style:
Black MetalDate de sortie:
07 mars 2025Label:
Les Acteurs de l'Ombre ProductionsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 7.5/10
“Parfois prend le miroir
Entre ciel et chambre
Dans ses mains le minime
Soleil terrestre.” Yves Bonnefoy
Räum est un groupe qui nous vient tout droit de la Belgique voisine, et de la ville de Liège. Prenant ses racines depuis l’année 2020, ce qui en fait une formation récente, le groupe peut se targuer d’avoir à son actif deux albums en comptant ce dernier et deux singles manifestement pour arranger la sortie du premier album nommé « Cursed by the Crown« . Trois années pour sortir ce dernier, puis deux années d’écart plus tard, voici donc sorti cette année 2025 le dénommé « Emperor of the Sun » qui semble donc faire un éloge que je trouve intéressant et que je cherchais moi-même à développer sur un de mes projets, à savoir la noirceur solaire. On avait déjà le groupe Lunar Tombfields qui nous avait gratifié notamment sur le plan visuel d’une imagerie autour de l’astre solaire, c’est donc un sujet qui revient de plus en plus. Maintenant j’ai un peur de tomber sur la redondance en abordant cet album, mais je vais vite me rendre compte que ce n’est pas le cas ! Les Acteurs de l’Ombre Productions arrivent encore à nous surprendre en ayant dans le roster des groupes qui vont vers un black metal plus brutal. Mais je n’en dis pas plus pour l’instant !
Seulement voilà. A force de tomber dans une outrance visuelle, on finit par faire dans l’exagération ou le déjà-vu. Quand on fait le lien avec la musique de Räum, on peut comprendre l’idée de reprendre des codes déjà existants. Or, pour la pochette, là où je trouvais le travail de Sözo Tozö pertinent et original comme rarement sur l’ouvrage « An Arrow to the Sun » de Lunar Tombfields, allant jusqu’à vraiment m’inspirer pour réfléchir sur mon projet parlant du cycle solaire et de sa noirceur, je trouve l’artwork illustrant « Emperor of the Sun » décevant. D’abord parce que je trouve le style pictural, sans être non plus un fin connaisseur, plus bâclé que sur d’autres albums, avec un choix de couleur pas franchement logique ni même pertinent au regard de l’intention musicale derrière. Cet espèce de gris triste et mal contrasté entre ce qui ressemble à Babylone et le ciel tortueux ne me sied guère et j’ai un peu de mal avec ce jeu facile qui consiste à mettre du doré et de « l’argenté ». Après, je ne pense pas que la créatrice de cet artwork soit spécialement à l’aise avec le fait de représenter des figures qui pré-existent déjà comme ce personnage qui fait quand-même beaucoup penser à un homme à l’époque antique puisque j’ai trouvé les traits finalement assez grossiers. Et on ne parle pas ici d’un effet brumeux ou quoi que ce soit. Et ce soleil qui ressemble plus à une explosion au milieu, je le trouve là encore mal contrasté avec le reste, trop tape-à-l’œil. Pour le reste du support physique en revanche, je n’ai rien à redire. Pour en finir donc avec cet artwork, « Emperor of the Sun » n’est selon moi définitivement pas la meilleure création de Sözo Tozö. Peu inspirante et reprenant des codes historiques déjà usités ailleurs, il y aurait eu moyen de faire largement mieux selon moi, même si l’utilisation d’une imagerie qui évoque Babylone de loin renvoie un peu au côté old school de la musique. Mais sur la forme je suis assez déçu. Ce qui évidemment n’enlève en rien son talent, mais comme le dit la CAF : « on a tous le droit à l’erreur ».
Vous l’aurez compris si vous connaissez le label, Räum va de manière évidente sur du black metal. Là où je suis toujours content quand je fais la chronique d’un album de chez Les Acteurs de l’Ombre Productions, c’est quand je tombe sur un black metal classique et agressif comme le propose « Emperor of the Sun« . Là où la tendance actuelle est soit de faire dans le black metal atmosphérique, voire sludge, soit dans le black metal hyper conceptuel enrobé de samples et de rajouts, au moins nos camarades belges ont fait un peu comme Sordide récemment, soit avec un black metal ultra racé dans l’old school. C’est marrant parce qu’en rédigeant cette chronique, je relisais brièvement celle sur Sordide et j’avais à peu près les mêmes mots, du moins les mêmes émotions. Bref, parenthèse refermée. Dès les premières notes, je sentais des inspirations comme 1349 ou la violence couplée de noirceur à la Behexen par exemple, et cet aspect primaire et bestiale de la musique black metal, je trouve qu’on a du mal de nos jours à la retrouver comme le faisaient les formations citées ou même les Marduk époque années 90 / 2000. Au moins, Räum nous fait une sorte d’hommage à ce black metal extrêmement diffamant et violent, qui ne prenait pas de demi-mesure pour s’en aller vers la provocation et l’ombre. J’ai sincèrement beaucoup aimé le travail autour de la composition, qui parvient à me faire évoquer les groupes d’avant tout en amenant des propositions mélodiques nouvelles, ne se privant pas d’édulcorer la violence de leur black metal en allant sur des incorporations riffiques loin d’être inintéressantes ou redondantes, en allant sur des moments plus calmes, plus lourds parfois, le tout pour apporter des atmosphères différentes mais toujours, comme je le disais, sous le joug de la noirceur inhérente au black metal. Je suis toujours très étonné de constater que des formations comme Räum arrivent encore à piquer ma curiosité musicalement parlant quand il s’agit de black metal. C’est en grande partie selon moi parce que ces groupes ont toujours au-dessus de leurs têtes la nostalgie d’une époque presque révolue, et qu’ils tiennent à en faire un bel hommage. Je dis cela en étant conscient que ce n’est surement pas vrai, mais en écoutant d’une traite « Emperor of the Sun« , j’ai de suite eu ce ressenti. Bon, le constat est finalement assez simple ; sur le plan musical, Räum va sur quelque chose d’assez classique mais efficace, sur un black metal agressif qui ne laissera personne indifférent. En première écoute j’ai beaucoup aimé la musique, en tant que grand amateur du genre.
Pour ce qui est de la production, on est sur des sonorités qui font la part belle à cette musique agressive avec des guitares extrêmement incisives et qui s’amènent également vers une certaine lourdeur qui, d’après moi, n’est pas déconnante quand on parle de black metal. Sans tomber par ailleurs dans une sorte de blackened death metal, ou l’inverse, Räum utilise des sonorités un brin moins tranchantes pour aller sur une lourdeur finalement importante quand il s’agit notamment des parties plus doomesques. Je trouve également que le son de la batterie est propre, ce qui permet de donner une coloration plus hybride encore, en ayant cet aspect métallique qui est loin d’être hors jeu. En fait, je me rends compte que le roster des Acteurs de l’Ombre Productions ne fait pas que dans le black atmosphérique très aseptisé, avec par exemple Sordide ou Räum, et bientôt d’autres formations, le label continue quelque part de perpétuer le côté plus démoniaque ou plus sombre du black metal au travers des albums comme « Emperor of the Sun« . Je note aussi que parfois le groupe flirte finalement avec le sludge metal selon où l’on se situe dans les pistes. Tout ce marasme pour dire que la production de cet album est très raccord avec les intentions de départ du groupe d’assumer un black metal violent, et que l’on ne peut que louer, quand on est assujetti à un certain standing de black metal, ce type de sonorités. Beau boulot !
D’autant que les compositions n’ont à ma grande surprise pas grand chose à voir avec une quelconque démarche conceptuelle en tant que tel, ou assumée telle quelle. Classiquement là encore, Räum fait un peu comme une bonne partie des groupes en activité aujourd’hui, une sorte d’album recueil de plusieurs compositions qui n’ont pas de lien franc entre elles, et qui ne suivent probablement pas de logique. La preuve en est qu' »Emperor of the Sun » est le nom d’une des pistes, par exemple. Balayé donc les doutes concernant l’artwork, et place nette à la musique. Même si je suis un inconditionnel des albums qui racontent une histoire, vulgairement parlant, je trouve qu’au moins Räum ne prend pas le risque de tomber sur un concept déjà-vu comme en témoigne la pochette. C’est probablement dans une démarche plus personnelle et donc intimiste qu' »Emperor of the Sun » se présente à moi, et j’y suis très sensible. On sent d’ailleurs que la composition a été amenée par une vive émotion, et le chant itou. Ce mélange de black metal avec une petite touche, très très légère, de sludge metal par la lourdeur et la lenteur (mais sans les sonorités rebondies inhérentes), je l’aime beaucoup. J’entrais officiellement en lien avec Räum avec cet album, je pense que je n’en resterai pas là. C’est vraiment un chouette album si j’ose dire.
Enfin, le chant m’a laissé un poil plus sceptique pour le coup. En black metal on a coutume d’entendre des techniques en high scream ou du chant de gorge comme je l’appelle, avec une utilisation du fond de la cavité buccale pour émettre des sonorités incisives et très froides. Pour le coup, j’ai l’impression que nos amis belges n’ont pas fait retoucher le chant plus que cela, que ce dernier a été servi sans assaisonnement. Résultat : on entend que le chant est très primaire, pas forcément ultra technique et qu’on se demande par quel caprice le chanteur ne se retrouve pas avec une ablation définitive des cordes vocales. Il aurait fallu qu’au mixage, l’on gonfle un peu le chant pour le rendre moins brut de pomme et donc moins brouillon. Là, l’absence me dérange un peu, surtout sur des passages où le chant est plus mis en avant que le reste, en particulier sur les passages doomesques ou presque en clean. A revoir.
Pour conclure cette nouvelle chronique, largement en retard par rapport à mon engagement auprès du label et de Solstice Promotion (les joies des vacances et de la reprise du boulot), Räum a proposé cette année un deuxième album qui répond au nom d' »Emperor of the Sun« . J’ai trouvé ce deuxième album très prometteur avec le côté pile et le côté face de l’expression. Pile, c’est quand on loue les qualités réelles de la musique, avec ce black metal qui rappelle l’époque glorieuse des albums de Marduk, 1349 et les groupes réputés pour faire dans la dentelle et le tricot. Lourd et puissant par moment, agressif et incisif dans d’autres riffs, « Emperor of the Sun » est un vrai bel album bien composé, qui sait remuer les tripes et qui distille son lot d’émotions par moment, ce qui en fait ainsi un CD d’une richesse certaine et donc, puisqu’il s’agit d’un deuxième méfait, très prometteur. Le côté face en revient aux quelques petites maladresses qu’il conviendrait de corriger pour que le troisième album soit au-dessus de tous. Je pense notamment au chant un peu trop naïf dans son placement et son mixage, un artwork insipide, et éventuellement quelques errances dans certains riffs et qui gâchent un peu le risque de ne pas conceptualiser l’album. Mais bon, c’est histoire d’être objectif et de chipoter un peu ! Parce que Räum a pondu un album déjà bien solide. A découvrir !
Tracklist :
1. Eclipse of the Empyreal Dawn 05:30
2. Nemo Me Impune Lacessit 04:20
3. Grounds of Desolation 06:48
4. Towards the Flame 06:46
5. Obscure 06:51
6. Emperor of the Sun 07:30
7. A Path to the Abyss 06:35
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