Jours Pâles – Tensions

Le 30 décembre 2022 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Spellbound : composition, chant, paroles
  • Session :
  • Alexis : guitare, arrangements
  • Alex : basse
  • Ben : batterie

Style:

Black Metal Mélodique

Date de sortie:

02 décembre 2022

Label:

Les Acteurs de l'Ombre Productions

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.75/10

Ne confondez pas le sombre avec l’obscur. L’obscur accepte l’idée de bonheur ; le sombre accepte l’idée de grandeur.” Victor Hugo

Jours Pâles m’évoque présentement la période difficile que je traverse actuellement. Une période faite de ces deux polarités de l’existence où il n’y a aucune place à un juste milieu qui finalement s’avèrerait apaisant. La polarité de l’existence serait selon moi ce que les personnes Verseaux traversent dans leur vie entière : la passion d’un côté, la raison de l’autre. Et le juste milieu porterait le nom que vous voulez, moi je l’appelle l’harmonie. En ce moment, j’ai reçu de la vie une profonde leçon dont je ne suis même pas certain d’avoir compris les tenants et aboutissants, mais qui n’arrive que lorsque l’on perd des êtres chers. La fin d’année 2022 portera officiellement l’étendard du deuil et des leçons à en tirer pour moi, et pourtant, je ne suis même pas sûr d’être capable un jour de trouver un juste équilibre entre la passion qui me dévore vivant, et la raison qui me tue à petit feu. Sans cesse en culbute sur ces deux versants, je m’échine pourtant à trouver l’harmonie qui me manque tout le temps, mais jusqu’à présent je m’étais enfermé dans un choix qui me paraissait être la raison. Quel gros mot! Pour simplement camoufler la vérité crasseuse d’une existence faite d’un quotidien rutilent, d’une routine ravageuse et d’un enfermement, croyant par-là être dans une prison de velours alors que les murs sont tapissés de peau de chagrin. En fait, je commence à me faire une raison sur ma propre existence, et les jours pâles qui la jonchent, dont seules quelques éclaircies de passion percent les nuages épais et sombres. Je pense que je ne suis tout simplement pas fait pour vivre avec quelqu’un, si ce n’est avec moi-même. Je tiens à ma liberté, et à ces horizons de nouveauté que m’offre la vie quand je me retrouve seul. Ce n’est pas sans regret bien évidemment que je fais ce premier constat, il manquera toujours le sentiment d’avoir gâché l’opportunité d’offrir à l’être humain le plus important à mes yeux un semblant de normalité dans une existence pourtant terne et futile. Alors, en ce jour funeste, que me reste-t-il? Tout simplement à vivre avec passion et garder la raison pour ma fille, que j’aime plus que tout et qui demeure à ce jour ma plus belle éclaircie. Voilà! Vous savez désormais que votre humble et dévoué serviteur de la plume acerbe est redevenu un homme seul, prêt à affronter les albums avec ardeur. C’est un peu un phénix qui se présente devant vous ce soir. Et quoi de mieux alors pour illustrer ce renouveau et ce constat ô combien acide sur mon existence, que le dernier album de Jours Pâles, nommé « Tensions« ?

Dernier album également de l’année 2022 pour les Acteurs de l’Ombre Productions avant une pause bien méritée pour les fêtes de fin d’année. Jours Pâles est le projet solo de Spellbound, un des membres fondateurs du non moins connu Aorlhac, groupe qu’on ne présente quasiment plus dans l’hexagone tant la renommée au sein de la scène black metal est grandissante. C’est fou parce qu’on a l’impression que tout ce que ce mec touche, il le transforme en or massif. Quand on écoute Asphodèle par exemple, ou Aorlhac, on se rend compte à quel point Spellbound a indéniablement un truc en plus en lui. Comme une sorte de jumelage siamois avec l’allégorie de la musique qui le rend si incroyable. Et ce n’est pas la prestation au Dark Medieval Fest d’Aorlhac qui me fera dire le contraire. Sans compter que je m’étais occupé du précédent méfait, appelé « Éclosion« , et que j’avais déjà placé mon curseur de notation très haut. Je me demande sincèrement comment je vais faire pour noter « Tensions » qui s’annonce déjà comme une pièce maitresse du black metal français par les critiques… Là encore, il est à noter quelques musiciens de session pour accompagner Spellbound.
NB : il fallait bien que je concurrence Le Marquis Arthur quand il parle de Morteruine et du label Antiq Records… Avant, on était deux fayots dans Soil Chronicles. Maintenant, on dirait qu’on se reproduit à vitesse grand V!

Mais la première remarque que je me suis faite en découvrant le dossier presse est le nom du gars qui a fait l’artwork : Nikas Sundin. Ni plus ni moins que le musicien derrière un de mes projets solos préférés Mitochondrial Sun, ancien de Dark Tranquility. Alors là, j’étais joie! Parce que, là encore, tout ce que ce type touche, il le sublime en un joyau de la couronne de n’importe quelle royauté. Et visuellement parlant, c’est du lourd, du très très lourd tout le temps! Alors ici, nous avons une pochette assez surprenante compte tenu d’abord du précédent album, et du style encouru. Une touche moderne et un brin futuriste que je trouve excellente, avec ce visage un peu cyborg, ces nombreuses coulées d’une matière bleue grise bizarre, et les étincelles autour. Un décor étonnant, qui évoque toutefois selon moi une métaphore filée de la conscience humaine. Et l’idée d’illustrer le nom de l’album « Tensions » par l’idée qu’il puise y avoir des tensions émotionnelles comme des tensions électriques par exemple, cela fait tout de suite mouche dans mon fort intérieur! J’aime aussi l’harmonie des couleurs de cet artwork qui offre un côté sombre, nocturne même, et qui montre probablement que la conscience humaine peut tomber en disgrâce quand l’obscurité est envahissante. En fait, c’est con à dire, mais ce type de pochettes, je le verrais bien dans une affiche de films de science-fiction, et je me prête à croire, au moment où j’écris ces quelques lignes qui précèdent l’écoute de l’album, qu’il va y avoir soit un aspect très intimiste comme Spellbound le revendique dans ses interviews, ou probablement un travail expérimental encore plus poussé vers sa musique qui frôlait déjà la perfection avant la sortie de Tensions. Bon, au-delà de mon interprétation scabreuse et contestable, je note surtout l’immense, l’énorme boulot de fait pour pondre un tel artwork. Même si je ne suis pas étonné, je tombe tout le temps en pâmoison devant le boulot de Niklas Sundin. Et je suis plutôt content que Jours Pâles aient l’audace de se parer d’un habit aussi détonant pour le style de musique proposé. D’aucun dirait que ce choix est hors sujet, surtout nos camarades puristes. Moi, je considère que d’avoir fait le choix de Niklas Sundin relève déjà d’une question de très bon gout, et qu’en plus l’interprétation possible du concept de l’album ne fait que relever davantage le niveau. Un des plus beaux artworks de l’année pour moi, si ce n’est le plus beau.

Aborder la musique de Jours Pâles est une aventure un peu imprévue. Parce qu’on sait que l’on va aller sur du black metal, c’est une quasi certitude étant donné le pedigree. Mais on ne sait jamais dans quelle branche on va se hisser. Pour vous la faire courte, je m’étais prêté à croire que la musique était du black metal mélodique. Je ne suis pas loin de confirmer cette information tant les compositions sont riches, extrêmement mélodieuses aux guitares notamment, et que le chant varie sur plusieurs techniques différentes, notamment du chant clair, du chant saturé de différentes tessitures sans pour autant tomber dans l’ultra-expérimental, en restant sur une technique high scream. Mais la particularité de Tensions est d’aller sur un horizon beaucoup plus atmosphérique, avec de véritables envolées à la guitare, une sorte d’ode à la légèreté ou la gravité volatile. Avec des passages résolument très rythmiques, saccadées, on sent que la démarche principale est de nous emmener vers des atmosphères torturées, tristes et souffreteuses. J’adore surtout, parmi les nombreuses richesses de cet album, les variations rythmiques nombreuses, presque un peu progressives parfois, n’offrant donc pas un black metal conventionnel avec la fameuse linéarité froide et incisive qu’on lui connait bien, mais plutôt un black metal progressif, atmosphérique et / ou mélodique, qui varie selon les besoins d’expressions de l’auteur. L’album se présente donc comme un ouvrage complet, technique et probablement un poil difficile à digérer, qu’il faut prendre avec parcimonie et tact, comme l’on toucherait l’épaule d’une personne nue et effrayée de se retrouver dans cette posture de mise à nu. Loin de faire la part belle à une musique redondante et linéaire, ce black metal estampillé Jours Pâles est une musique qui est voulue comme compliquée, travaillée et riche d’une structure polymorphe. Contrairement toutefois au précédent bébé, il n’y a pas d’invités sur cet album. Ce dernier est donc concentré sur les ressentis et zones d’ombres de son géniteur, Spellbound, et qui pour cette fois-ci en tout cas, n’offre pas particulièrement de place à autrui pour partager la bombance de cette musique tranchante et dépressive. Hormis un hommage à un personnage déjà mentionné sur l’album d’Aorlhac « L’Esprit des Vents« , Aldérica, l’album est donc selon moi une sorte d’autobiographie funeste, en témoigne la dédicace à la commune où réside son auteur, Saint-Flour, et à des pistes comme « Saturnienne Lassitude » qui parle vraisemblablement d’états d’âme et de mélancolie. Ainsi donc cette première écoute m’aura transporté dans des limbes insoupçonnées de noirceur et de tristesse. Un album à la fois fluide et harmonieux, et aussi complexe et de prime abord difficile, qui finit toutefois par tout simplement nous aspirer dans un tourbillon de miasmes spirituels. Jours Pâles signe un deuxième album exceptionnel tout simplement.

On serait tenté de croire que derrière chaque projet solo, il y a une production qui pourrait manquer d’objectivité et qu’un regard extérieur serait le bienvenu. Il n’en est absolument rien ici. Jours Pâles avait déjà proposé une production impeccable à l’époque, je me souviens avoir été particulièrement impressionné par le boulot de fait en studio, sachant qu’à ma connaissance, mais elle demeure bancale, tout est fait maison. Je ne suis pas certain du tout de cette information, mais il ne semble pas avoir vu notamment sur la page Facebook du groupe une quelconque photographie d’un passage en studio. Mais bon! En tout cas, il y a un effort colossal de fait pour que la production permette d’atteindre un niveau émotionnel très très fort, transportant comme je disais l’auditeur dans un tourbillon de détresse psychique impressionnant. Le son des guitares est génial, mettant un brin en arrière la partie rythmique des compositions, offrant donc une place de choix à la guitare lead qui pond ses fameuses mélodies, la basse qui joue un rôle sommaire mais qui ne me surprend guère dans ce style depuis longtemps – encore que bon nombre de groupes osent désormais offrir un place de choix à la basse – et la batterie qui est selon moi l’un des atouts numéro un de « Tensions« . Offrant des variations rythmiques à couper le souffle, cette dernière permet de ne pas « endormir » l’auditeur, de parfois le faire sursauter, et d’installer un climat de désordre et de chaos qui fait monter d’un cran le niveau de dépression de cet album à un paroxysme fou. Je reviendrai sur le chant un peu plus bas. En tout état de cause, cet album se pare encore une fois d’une production exceptionnelle, riche et efficace sur tous les fronts, qu’ils soient instrumentaux ou lyriques, et l’album est d’une clarté monstrueuse. Quel boulot, putain!

Je pense avoir largement fait le tour de l’album précédemment, et d’avoir aussi largement creusé l’idée d’une dimension intimiste qui semble être au cœur du système composal de Jours Pâles. Aussi vais-je passer directement au chant qui est ce qui m’impressionne le plus depuis que je chronique Jours Pâles. Que ce soit dans « Éclosion« , ou « Tensions« , la qualité du chant et le travail qui est fait dans la recherche de la meilleure technique reste ce qui m’épate le plus chez Spellbound étant moi-même chanteur. L’idée d’explorer différentes techniques de chant, que ce soit sur un registre saturé plus technique, ou au contraire beaucoup plus primitif, avec tantôt du high scream, tantôt du growl, tantôt du chant hurlé à la sludge, et aussi souvent du chant clair très bestial et primaire, la coloration de l’album en termes de vocalises est d’une palette très bluffante. On sent d’ailleurs, quand on écoute les paroles qui sont en français, que chaque phrase est faite pour un type précis de chant, et la cohérence qui émane des textes avec les technique vocales m’ont tout simplement laissé sans voix, sans jeu de mot. Je suis frappé par le travail qui est fait au chant, et qui va selon toute vraisemblance m’inspirer pour mes futurs productions. C’est exactement ce que je (re)cherche dans le travail qui doit être fait par un parolier et chanteur, savoir marier sa voix avec des lignes textuelles précises. C’est selon moi l’immense talent de Spellbound dans ce registre. Je suis admiratif, sinon fanatique, de ce qu’il accomplit au chant et en parolisme. Probablement ma référence française en la matière.

Bon ben voilà! Le patron Chris Metalfreak dirait que j’ai dépassé Le Marquis Arthur ou parfois Antirouille dans le domaine du léchage pycogole! En tout cas, si fayot je suis, Jours Pâles ne m’aura pas aidé à soigner ce trait de mon caractère. Loin de constituer un sevrage, ce deuxième album nommé « Tensions » sera probablement mon étape prochaine vers l’extase. Véritable bijou de black metal, loin d’être conventionnel, cet album extrêmement riche et puissant ne sera que l’éloge d’un genre musical qui se renouvelle et se morfond dans le calque d’un esprit torturé, prisonnier d’un marasme émotionnel lancinant, et qui se traduit par une musique exceptionnellement complexe et harmonieux à la fois. Parvenir ainsi à retranscrire ces états d’âme sans tomber dans la platitude et l’insipidité, par les temps qui courent, cela relève de l’exploit. Mais comme j’adore Spellbound, que je considère comme l’un des meilleurs frontman, chanteur et parolier français actuels dans le metal, et que je redécouvre à chaque album l’incommensurable talent de ce dernier pour en plus composer des pistes mélodiques à souhait, je ne peux donc que m’incliner devant ce dernier album de l’an 2022 pour le label. Je vais probablement devoir bouleverser mon fameux top 16 qui a fait ma légende sur mon mur Facebook… Album exceptionnel.

Tracklist :

1. Jour de pluie, jour de fête 08:54
2. Saint-Flour nostalgie 05:10
3. Ecumante de rage 05:38
4. Tensions 06:00
5. Saturnienne lassitude 06:42
6. Hâve 08:49
7. Ode à la vie (chanson pour Aldérica) 06:13
8. Dose(s) 04:02
9. Les feuilles tombent 09:42

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