Dux – Furor et Fatum

Le 14 juin 2020 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Glaurung Samildanac’h : chant, basse, piano Négatif : guitare Anksudams : batterie, percussions

Style:

Black Metal

Date de sortie:

29 février 2020

Label:

Asgard Hass Productions

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

« Bêle fidèle troupeau ! Défend ta foi, ta race, ton enclos ! Jamais ne trahis ton clan ! Bêle fidèle troupeau ! » Babe, le cochon devenu berger

Je sais, la citation est assez humoristique dans sa référence mais, d’une part, c’était l’un de mes films préférés quand j’étais gosse (1995, cela commence à faire vieux) et, d’autre part, la bande-originale contenait entre autres plusieurs adaptations de la Symphonie n°3 de Camille Saint-Saëns, l’un de mes compositeurs de classique préférés. Voilà pour l’anecdote.

Ensuite, toujours dans l’optique d’un partenariat avec Asgard Hass, me voilà plongé dans un nouveau black metal, et je dirais assez atypique dans le paysage actuel. Atypique dans le sens où l’on a clairement l’impression d’un retour en arrière, d’un retour aux sources musicales avec une profonde nostalgie, une volonté de rester dans les profondeurs de l’underground, tout en nourrissant le paradoxe d’avoir un message à faire passer. C’est toujours impressionnant comme paradoxe que de vouloir rester dans une grande part d’ombre et d’avoir un peu de lumière pour s’exprimer et ainsi, véhiculer des idées. Dans le cas de Dux, que je m’apprête donc à chroniquer, le nom même du groupe qui évoque « le guide » ou au féminin strict « la conductrice », nous ramène vers ce qui semble être le trait primaire le plus important de la musique, qui plus est extrême : le message à faire passer.

Mais d’abord, parlons de Dux ! Groupe lyonnais faisant ses débuts en l’an 2007, il est composé d’un trio de musiciens en est actuellement à deux albums, « Vintras » en 2012 et « Carnations » en 2015, un split en 2018 avec les groupes DeadlySins et L’Accusateur sorti sous l’étendard d’Asgard Hass, une démo en 2011 et un EP en 2013. Un groupe assez prolifique, qui écume pourtant peu les scènes francophones. A noter qu’au départ, Dux était le projet solo du seul membre encore originel du groupe, Glaurung Samildanac’h, bassiste et chanteur. Et ainsi le groupe sort son deuxième album avec Asgard Hass – le premier étant « Carnations » -, nommé « Furor et Fatum« . C’est de ce dernier dont j’ai l’honneur et le plaisir de déblatérer.

Et comme tout le temps, nous allons commencer par parler de l’artwork ! Ce dernier s’avère quand même bien iconoclaste, avec ce squelette qui drape avec un drap ensanglanté un cadavre (on dirait un enfant mais je n’en suis pas sûr), un mouton égorgé et une femme nue qui tient un couteau ensanglanté. Là, comme ça, je dirais que l’artwork fait référence à Médée parce que la femme porte une couronne qui fait penser à des ornements de sorcellerie, et donc ce fameux cadavre qui me fait penser à un enfant pourrait être l’un des siens qu’elle a eu avec Jason et qu’elle finit par tuer, par vengeance. Il y a aussi deux serpents, deux couleuvres pour être plus précis, qui sortent du drap. Enfin, le tout est entouré par deux dragons verts qui portent telle une auréole le nom de Dux. Le quatrième de couverture est plus cynique sur la religion chrétienne que le devant avec ce vitrail maléfique et les deux représentations de la mort, l’une avec une bougie, l’autre avec un sablier. Plus l’incendie qui laisse vaguement penser aux églises brûlées en Norvège… Mais je ne veux pas tomber dans le cliché non plus. Simplement, j’aime beaucoup les artworks qui mélangent différents symboles et sans tomber dans l’outrancier comme le dernier Acherontas par exemple. Là, le style en peinture est superbe, l’idée très provocatrice de mêler des symboles « choquants » (tout est relatif évidemment) me plaît beaucoup. De tous les artworks de Dux c’est à mon sens le plus abouti !

PS : je n’ai aucun mérite pour l’idée de Médée, elle est citée dans l’un des morceaux de l’album.

C’est musicalement que j’ai surkiffé ! Concrètement, vous pouvez dire adieu aux sophistications studio qui donnent cette approche modernisante du black metal. Dux, comme je le disais, c’est un bassiste/chanteur, un guitariste et un batteur, point. Et dans la musique cela s’en ressent énormément ! Une simplicité désarmante, totalement à contre-courant des sorties dominantes actuelles qui font la part belle à l’esthétisme, ce qui en temps normal me ravit au plus haut point. Ici, c’est bestial ! Primaire même. Je pense que ça ne va pas leur plaire du tout, mais sait-on jamais : la musique me fait penser à du punk. Quand on sait que les racines du black metal ont des ramifications punk, cela n’est pas vide de sens du tout ceci dit. Mais je pense, sans me tromper, que si vous cherchiez une signification proche de la perfection d’un black metal « old school », vous avez-là une référence excellente ! J’adore, bêtement, et donc j’adhère totalement à ce que j’entends. Ce côté « recherche de primarité » fait également penser à une forme simple de la musique sur son univers : le personnel. J’y reviendrai après.

Le son est donc selon moi le point fort total et incontestable de l’album. Le paradoxe intervient dans le fait qu’avec ce son ultra old school, je prends un vent de fraîcheur et un regain de forme terrible ! Comme si je sortais de ma camisole de modernité et que je revenais aux sources, une bonne bouffée d’air pur en somme. La guitare rythmique n’est même pas doublée, ce qui laisse à la basse une utilisation que je trouve géniale, typique des formations que l’on appelle vulgairement « true ». La batterie a quelques influences punk sur la base rythmique, pas de blast à outrance, juste ce qu’il faut quand il faut. Je ne sais pas où se situe le studio d’enregistrement Vaccum Tehiru Records (je subodore à Lyon), mais je lui tire mon chapeau pour avoir su retranscrire un son si pur, si brut, sans tomber dans l’exagération ou le trop old school. Excellent son !

J’aime beaucoup le chant qui a une forme plus technique, plus travaillée avec toutefois quelques relents de cris bestiaux, de passages plus torturés qui donnent cette touche bien personnelle que j’aime beaucoup. A noter un morceau plus noir avec « L’Idole Déjeune »… où le chant est beaucoup plus morbide. Il y a, outre son aspect très personnel, une forme incroyable de cynisme qui s’en ressent à travers l’aspect old school de ce dernier, avec finalement à peine un peu de retouche sonore pour que justement cette dimension authentique transperce l’auditoire comme un coup de poignard. J’oserais faire une comparaison assez étrange, mais sur l’album « Treize à Table » de Trust, il y a le morceau « Psaume » qui est un peu de ce même pain-là, avec cette dimension cynique et torturée que j’adore. En tout état de cause, le chant me sied beaucoup et s’inscrit parfaitement dans ce registre old school qui fait tout le charme de l’album. On sent d’ailleurs qu’au-delà de la technique, il y a d’abord et surtout de l’expérience et de la sincérité.

Ce qui rend de surcroît les textes encore plus intéressants. Je les ai tous lus, avec extatisme et l’excitation d’une fillette de cinq ans devant une poupée qui parle, et en quelques mots : j’ai adoré ! J’ai vu brièvement dans une interview que le parolier Glaurung Samildanac’h était inspiré par des auteurs de « variété française » ou francophone, et je pense que si la comparaison peut prêter à sourire vu le black metal qui est joué ici, la qualité littéraire est quand même au rendez-vous. Avec une alternance de passages en rimes et prosaïques, il y a une recherche textuelle que je trouve intéressante. Mais la particularité principale est cette authenticité qui est vraiment flagrante : loin de porter aux nues les carcans habituels d’un black metal sataniste, on a plus une forme d’anticléricalisme sans réellement pointer du doigt un Dieu en particulier, mais plutôt tout le système théologique. Se moquant de certains symboles connus comme les moutons, l’Elysée, une référence plus nommée à Yahvé, il y a aussi ce que j’appelle moi un côté plus terre-à-terre car on sent qu’en fin de compte, le parolier nous parle de sa propre vie, de ses propres doutes et ses propres dégoûts. Et ça, vraiment, j’adore cette subtilité. Pour moi, les textes sont non seulement très bien écrits, mais en plus tellement réels qu’ils sont largement dignes de s’y pencher.

Je vais terminer mon nouveau propos ici en vous faisant une confession : j’ai partagé une affiche avec Dux lors d’un festival dans le Rhône. Au-delà du concert que j’avais trouvé intéressant, avec un vrai supplément d’âme, j’ai surtout pu discuter avec des mecs très sympas, assez « bruts » dans leur manière d’être et dont transparaissait une forme d’honnêteté intellectuelle qui me semble encore aujourd’hui aussi rare que la pluie dans le désert. Je ne pensais pas qu’en CD cela serait encore plus puissant. C’est chose faite, et non seulement Dux est un excellent groupe de black metal, mais en plus on ne leur enlèvera jamais, au grand jamais, cette sincérité artistique qui manque de plus en plus dans un paysage musical qui se perd dans la modernité à outrance. Une vraie bouffée d’air frais dans l’old school, qui se fait rare !

Tracklist :

1. Nectamen… Lugdunum Céleste
2. J’entends Bêler (Fidèle Troupeau)
3. Le Ciel Est Vide
4. L’Idole Déjeune…
5. Exuvies
6. Médée Triomphante
7. Les Derniers Feux du Monde (Prométhée Mourant)
8. Along a Gogolplex of Shadows and Stars Part.1: Sagittarius

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