Darkenhöld – Le Fléau du Rocher

Le 6 juin 2025 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Aboth : batterie, percussions, claviers
  • Aldébaran : guitares, claviers, basse, chœurs, composition
  • Cervantes : chant

Style:

Black Metal Médiéval

Date de sortie:

06 juin 2025

Label:

Les Acteurs de l'Ombre Productions

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.75/10

Le Moyen-Age ne m’a retenu que parce qu’il avait le pouvoir quasi magique de me dépayser, de m’arracher aux troubles et aux médiocrités du présent et en même temps de me le rendre plus brûlant et plus clair.” Jacques Le Goff

C’est une citation tout à fait opportune ce jour, et tellement vraie. Qui n’a jamais fantasmé sur les exploits qui sont décrits au Moyen-Age ? Je discutais récemment avec un dirigeant de label bien connu en France, et nous nous amusions à chercher des créatures mythiques très folklores de notre ancienne France, notamment du côté de chez moi, en Ardèche. Moi-même, je suis très épris de cette période qui mélange fascination et mysticisme total. On parlait du diable avec un camarade musicien, c’est la même chose ! En fait, il y a quelque chose d’insondable dans cette période de l’histoire. Quelque chose qui attire les gens, même les plus « modernes » et les moins rêveurs d’entre nous. Vous ajoutez à cela une forme de sensibilité accrue, et une ruine, un château abandonné, ou même le simple fait de déambuler dans des remparts, vous fait remonter le côté enfantin qui sommeille en vous. J’ai habité pendant des années un village fortifié de la Drôme provençale, je peux vous garantir que j’adorais m’y promener, y compris le soir, pour respirer les ondes qui se dégageaient de ces lieux qui ont traversé les siècles sans s’effondrer. Le nombre de fois où je me suis demandé combien de morts pouvaient hanter ces endroits… La maison maternelle était par ailleurs très « habitée » justement, on avait retracé une partie de l’historique de la bâtisse qui a connu, comme je le disais, d’âpres batailles, pas forcément moyenâgeuses d’ailleurs (une femme de confession juive avait été brulée vive sous les escaliers qui menaient au premier étage). Après, nous avons tous de la curiosité morbide. Plutarque signalait que la fascination malsaine est la désobéissance de la raison et que nous l’avons tous, d’une certaine façon, déjà pratiquée. Autrement dit, nous sommes attirés par l’interdit, le tabou, pour s’y confronter. Quelque part, si l’on réfléchit bien, le Moyen-Age collectionne les tabous et les épisodes morbides. En cela, je ne suis pas étonné, encore de nos jours, de trouver des formations dans la musique metal qui centralisent leur univers artistique autour des mythes de cette glorieuse époque pleine de mystères ! Le metal, après tout, n’est-il pas aussi un concentré de tabous et d’interdits ? N’éprouvons-nous pas une attirance morbide pour ce style outrancier et antisocial dans ses bases séculaires ? Voilà pourquoi je suis content de proposer en release du jour le nouvel album des grandissimes Darkenhöld, ce dernier s’appelant « Le Fléau du Rocher« . Finalement, cette chronique, c’est un énième assouvissement de mes pulsions d’auditeurs metal.

Mon histoire avec Darkenhöld a commencé pourtant bien avant qu’il n’ait sa propre dénomination. Avant, il y avait une formation nommée Artefact, qui a pour connexion logique le même compositeur de talent, sieur Aldébaran. Nom de scène de Guillaume Vrac. Ce dernier aura eu le mérité non négligeable de faire partie des formations comme Artefact certes, mais aussi de Continuum que j’ai beaucoup aimé en son temps. Et puis, en l’an 2008, notre camarade a fondé Darkenhöld, qui est aujourd’hui plus qu’un groupe de metal, c’est presque une entité légendaire. Fort de six albums en comptant ce dernier, mais également quatre splits, le groupe originaire de Nice écume la scène underground française dans son registre si singulier avec brio. C’est presque un sans-faute pour le trio de musiciens qui comprend Aldébaran mais aussi Cervantes et Aboth, et je ne suis pas surpris d’entamer l’écoute de ce fameux « Le Fléau du Rocher » avec confiance. Mon instinct me dit que Darkenhöld ayant toujours repris les mêmes codes qui font sa réussite, je ne serai pas déçu ! Fidèle aux Acteurs de l’Ombre Productions en plus de cela depuis 2018 – le label ayant entre temps réédité les albums précédents – tout est réuni pour que je passe un excellent moment ! J’ai hâte !

Je l’ai dit en préambule, Darkenhöld a tendance à prendre toujours les mêmes codes et c’est là tout le bonheur ! Encore une fois, la pochette a été peinte et imaginée par madame Claudine Vrac, je suppose épouse de sieur Guillaume Vrac. Elle fait partie des personnes qui, à mon avis, œuvrent dans l’ombre du groupe et qui permettent à chaque album de sortir quelque chose d’unique, d’exceptionnel, mais qui ressemble tout de même à la constante à laquelle le groupe nous a habituée. Ici, nous avons donc un artwork plein de couleurs, qui représente un point de vue qui peut s’apparenter au bord d’une falaise avec un bâtiment qui domine une terre vallonnée. On distingue au loin un bord de mer et un soleil levant magnifique mais un peu perturbé par quelques nuages sombres sur le côté gauche. J’ai envie de dire que ce décor bucolique, cette vue imprenable que n’importe quel randonneur expérimenté chercherait, je le vois quelque part comme un fléau. Une sorte de vision dont on resterait prisonnier, comme on perd son regard dans l’horizon lointain. Cet émerveillement a un côté enchanteur si on réfléchit bien. Je trouve par ailleurs la présence humaine dans ce paysage peint, mise au second plan. Et ce n’est pas pour rien à mon sens ! Même si l’album ressemble plus à un rassemblement de compositions diverses et variées, sans réel concept, il n’en demeure pas moins qu’il y a selon moi une belle leçon métaphorique de l’humanité. Qui sommes-nous dans cette immensité verte et luxuriante ? Sinon une sorte de verrue dans ces paysages comme le pourraient être les immenses bâtiments qui surplombent la vallée. Il y a donc, selon moi, dans cet artwork certes une ode au Moyen-Age avec ces contreforts et forteresses qui servaient à leur propre défense en étant sur des hauteurs difficiles à franchir, mais aussi et surtout une sorte de nostalgie d’une époque où la Nature dominait largement les débats et les croyances. Une sorte de paganisme quoi ! Ou de mystère. Bref, tout ce qui fait que Darkenhöld continue à nous en mettre plein la vue avec des pochettes superbes ! Magnifique travail qui mérite d’être valorisé.

Musicalement parlant, le groupe niçois arrive tout de même à nous surprendre, et même si les ingrédients sont pratiquement les mêmes, ils parviennent à se recréer pour proposer des pistes aux mélodies qui attirent incontestablement l’oreille. Darkenhöld, c’est d’abord du black metal, et les cases sont toutes cochées une à une. Les guitares incisives, l’absence de lourdeur exagérée avec une basse qui accompagne davantage la batterie sur le plan rythmique qu’ayant un enjeu mélodique réel, le chant évidemment enraillé. Mais le black metal ci-contre est aussi très mélodique, avec des variations de riffs qui offrent une véritable richesse sonore. Des parties lead guitare qui donnent tantôt une dimension épique, tantôt mystiques, tantôt plus noires, le tout sur un fond médiéval dont finalement peu de formations européennes peuvent se targuer de l’effectuer avec tant de justesse. Parce qu’en ce qui me concerne, j’ai tendance à voir l’appellation « médiévale » comme quelque chose qui ne devrait pas exister en tant que genre de metal. Un peu comme les acerbes « metal viking » ou « metal pirate » qui me font pleurer des yeux. Toutefois, quand on y met autant de cœur et d’authenticité, voire même de passion, on se dit que, quelque part, cela peut exister ! Mais il ne faut pas se louper. Concernant « Le Fléau du Rocher« , c’est un sans-faute. Du début jusqu’à la fin, la première écoute fonctionne comme l’on boirait du petit lait. C’est prenant, cela vous secoue les entrailles, vous avez envie de remonter le temps et de vivre les légendes narrées par Cervantes au chant et ses troubadours sombres ! Et le plus incroyable dans l’histoire, comme je disais en haut, c’est que Darkenhöld garde la même recette globale. Vous prenez les albums précédents, hormis de légères variations sur le plan sonore, vous retrouvez ce black metal mélodique puissant et narratif, accompagné par quelques passages en instrumentations claires très folkloriques et de courts moments en chant clair qui font parfois figuration de déclamations. Vous avez donc un sixième album qui suit les autres avec une fluidité et une facilité déconcertante. Ce black metal fonctionne tel quel depuis le début et il a ce côté authentique qui a le mérite incroyable de fonctionner ainsi sans être obligé de se faire piéger dans la compromission. Darkenhöld réussit encore à nous éblouir, et c’est en cela qu’il convient d’aller découvrir pour les ignorants, ce « Le Fléau du Rocher » qui est magique, tout simplement.

Vous sentez venir la suite ? Vous avez raison. On reste encore et encore dans ce qui fait la richesse sonore de Darkenhöld, avec ce black metal qui jouit d’une production étonnante mais redoutable dans le paysage de la scène actuelle. Dites-vous bien que la majorité des sorties que j’ai faites en chronique pour le même label, avait la manie de vouloir aller sur des sonorités modernes, atmosphériques et surtout, à tourner le dos à ces sonorités qui faisaient la gloire d’une époque que l’on connait bien quand on adore comme moi, le black metal. Peut-être est-ce une sorte de pièce manquante que « Le Fléau du Rocher » propose, même si l’on remarque quand-même une propension à aller sur les années anciennes. Je trouve toutefois que, comme le black metal est mélodique à souhait et très épique, il convenait de faire des sonorités moins linéaires qu’un black metal old school durablement mid tempo ou arrosé de blast beat suggèrerait. Résultat : on discerne très aisément les bases rythmiques et le lead prend une place légèrement au-dessus pour laisser couler dans nos esgourdes les envies irrépressibles de batailles et de plonger dans les contes. Darkenhöld réussit, et ce encore une fois depuis toujours, à trouver un compromis intelligent entre la modernité qui sied et l’ancienneté sonore qui plait aux nostalgiques comme moi. Et le pire, c’est que cela marche ! Darkenhöld écrit encore davantage de lignes dans sa légende avec la même plume et la même encre sans faire aucune tâche sur son palimpseste. Je ne m’en cache pas de toute manière, je suis un grand amateur des sonorités sur les albums des Niçois. Et « Le Fléau du Rocher » est loin de me décevoir ! Probablement la claque qui a réveillé mon inconscient nostalgique ce jour, et il m’en faut beaucoup pour me bouleverser ainsi.

Tout l’enjeu de cette chronique est de comprendre comment Darkenhöld parvient à nous fasciner de la sorte ? C’est vrai ! La carte du Moyen-Age est jouée à de maintes reprises par d’autres groupes. Pourquoi eux ? Pour moi, la réponse se trouve dans mon introduction. Parce qu’ils mélangent subtilement la nostalgie de l’enfant qui a (trop) baigné dans ses rêves et la noirceur de sa musique black metal. Je pense que le Moyen-Age a une dimension multiple, aussi bien féérique que sombre. Il y a un réalisateur de films qui le fait excellemment bien et qui fascine justement plusieurs générations pour cela, et la comparaison est élogieuse : Tim Burton. Je crois indéniablement que « Le Fléau du Rocher« , et ses grands frères, ont tous réussi ce tour de force de susciter des émotions qui cohabitent pourtant dans des esprits tourmentés. Les plus enfantins s’extasient dans les récits épiques et les mélodies puissantes de Darkenhöld, tandis que les plus souffrants de vague à l’âme vont se reconnaître dans l’authenticité et l’incision terrible de la musique black metal. Voilà comment je perçois l’efficacité de Darkenhöld et voilà pourquoi selon moi, ils sont les seuls à mériter cette appellation de « black metal médiéval« . Ils font partie des groupes les plus exceptionnels de la scène. Sans aucunement varier d’un iota, la musique est redoutable et continue à me bercer comme aux tous débuts. Franchement, c’est la meilleure sortie du label de 2025 ! Haut la main.

Il ne le sait pas, et je fais une révélation aujourd’hui : j’adore Cervantes. D’abord parce que c’est un chouette type, très cultivé, qui parle de chant avec autant de justesse que de passion qu’il ne maîtrise son sujet quand il nous propose des photographies de ses randonnées sur Facebook et que, même si notre échange avait été bref, il reste à ce jour un de mes meilleurs souvenirs du Dark Medieval Fest 2019. Ensuite et surtout, parce que j’adore son chant. Pas forcément puissant vocalement parlant, mais juste dans sa manière de le poser, dans son phrasé général et même dans son articulation. Je pense qu’il fait partie de ces chanteurs que je ne peux que respecter car ils ont compris que cela ne sert à rien de s’échiner à écrire des textes intéressants et captivants si l’on n’y met pas un minimum d’effort dans l’articulation. La technique vocale varie un peu, mais sans plus, sans que cela soit obligatoire pour faire vivre la musique. En fait, Cervantes pose son chant un peu comme un narrateur des ténèbres. Il y a un aspect narratif très important dans l’univers de Darkenhöld et a fortiori dans « Le Fléau du Rocher » qui nécessite que le chant ne soit pas trop puissant. Et résultat des courses : on se prend au jeu. Le chant rend vivant les textes d’une manière cruciale et je pense que c’est aussi en cela que le trio de musiciens fonctionne parfaitement. Aldébaran s’occupe de la musique avec Aboth pour la partie rythmique, et Cervantes se sert de la musique pour mettre en narration le chant. Et évidemment, c’est juste excellent.

Concluons ainsi cette diatribe soilienne ! Mes ami(e)s, voici venu le temps d’honorer comme il se doit Darkenhöld et son nouvel album, le sixième, appelé « Le Fléau du Rocher« . Sorti chez Les Acteurs de l’Ombre Productions, ce nouveau chapitre des contes et légendes de nos amis niçois ne fait que confirmer haut la main tout le bien que je pense du groupe. Le black metal médiéval ici proposé n’a pas bougé d’un iota dans sa conception globale, hormis évidemment les nouvelles mélodies qui sont proposées ici et qui font de ce nouvel écueil un ouvrage d’exception. Il faut quand-même se rendre compte à quel point Darkenhöld réussit un exploit qui rendrait envieux n’importe lequel d’entre nous : celui de faire une musique qui garde ses bases séculaires loin du chant des sirènes de la modernité, loin des pièges du consumérisme pour ne presser que le jus de l’authenticité et de la passion pour cette fantastique époque du Moyen-Age. Et en cela, je crois qu’on ne peut qu’être pantois d’admiration pour eux. Ce « Le Fléau du Rocher » est incontestablement la sortie de l’année pour moi sur le roster du label. Extraordinaire.

Tracklist :

  1. Codex de la chevalerie 04:27
  2. Le cortège royal 05:52
  3. Temps enfouis 01:06
  4. L’ascension du mage noir 06:24
  5. Dans l’antre de la vouivre 05:04
  6. Troubadour 03:14
  7. Le fléau du rocher 04:47
  8. Gardienne des dryades 04:25
  9. Sortilège ancestral 02:10
  10. La cavalerie fantôme 05:26
  11. Pour le royaume 04:43
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