Cult Martyr – Noirceur Salvatrice

Le 20 mai 2025 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Béki : tous les instruments, chant
  • Guests :
  • Charlotte Cartier : chant additionnel sur 1 et 2
  • Sacha Gentil : chant additionnel sur 1
  • Aline Gentil : chant additionnel sur 3

Style:

Black Metal

Date de sortie:

25 avril 2025

Label:

Black Shadow Legions / Drakkar Productions

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.25/10

L’encre du savant est aussi précieuse que le sang du martyr.” Proverbe arabe

Récemment j’ai été interrogé sur une question cruciale sur la relation que j’entretiens avec la musique black metal. C’était une question volée, rien d’officiel, vous ne la verrez pas en interview. Mais comme il est vrai que j’entretiens un rapport très complexe avec ce type de musique que je ne pratique réellement pas depuis longtemps au chant par ailleurs, la question mérite d’être posée. Le black metal, pour moi, est actuellement le style de metal qui parle le mieux des sentiments enfouis, d’une manière globale. Notamment tournée sur les émotions négatives, pas forcément violentes, mais plus sur un versant dépressif ou mélancolique, on voit fleurir notamment en France de plus en plus de projets neufs et jeunes qui expriment une certaine tristesse de vie à travers le prisme complexe de cette musique tranchante et atmosphérique. On m’a donc demandé quels étaient selon moi les albums les plus introspectifs. Alors là, j’avoue que j’ai littéralement calé ! Parce qu’en matière d’introspection, je ne crois pas que l’on soit en rade d’albums. Maintenant, si je devais dégager deux projets qui résument selon moi parfaitement ce qu’est l’introspection dans la musique black metal, après moult tergiversations, je choisirais Pénitence Onirique et Vertige. Parce que ces derniers projets ont vraiment un petit truc en plus, un supplément d’âme sur un soupçon d’authenticité qui font que l’on est très souvent obligé de ressentir quelque chose de profondément enfoui en nous. Peu importe d’ailleurs que l’on soit heureux ou triste ! Le plus important quand on écoute de la musique de cet acabit est de ressentir, point. Mes parents m’ont toujours appris ce principe de laisser-aller à l’émotion dans la musique, ce qui fait qu’aujourd’hui, j’écoute de tout. Le point commun à toutes mes écoutes étant donc cette capacité à ressentir des émotions profondes, et de me sentir happé par les notes. Voilà pourquoi en chronique ces derniers temps, je privilégie la qualité à la quantité, parce que j’ai ce besoin de retrouver des sensations d’écoute que je n’ai pas forcément dans le choix hasardeux qui était autrefois ma force. Je dois donc reconnaître bien naïvement que je suis perpétuellement en quête de ces émotions qui me font du bien, et qu’actuellement la scène française ne me donne guère de sensations orgasmiques. Alors, j’attends ! Et l’opportunité s’est présentée lors d’un retour de trois jours à la mer avec mon petit soleil, ma fille de huit ans. Dans la boite aux lettres, un retour aux affaires pour un label que j’aime toujours avec autant de ferveur et sa sortie du jour. Cult Martyr et son album « Noirceur Salvatrice » !

J’ai découvert le one-man band Cult Martyr avec beaucoup de stupéfaction ! Ce n’est clairement pas un one-man band ordinaire dans le paysage du black metal français. D’abord, parce que le projet existe depuis… 2001 ! Bon, il portait un autre nom, en l’occurrence Kult Martyr, mais pour un banal changement de lettre et une démo restée unique en 2003 nommée « Glaciale Misanthropy« , nous voici en 2025 avec ce nouveau nom et une existence nouvelle depuis 2022. Renaissance illustrée d’ailleurs par, autre curiosité, ce fameux premier EP « Noirceur Salvatrice » éditée en autoproduction en… 2023 ! On pourrait donc considérer que cette sortie physique (puisque jusqu’à présent, l’EP était sorti en digitale) sur le label Black Shadow Legions est une réédition, avec d’ailleurs de nouveaux morceaux sur l’édition qui nous intéresse. Un EP remis donc au gout du jour avec du sang neuf, voilà donc une belle initiative du label, et qui permet donc au nommé Béki, de se refaire la cerise en quelque sorte. Mais là ne s’arrête pas la curiosité ! Le nommé Béki est un certain Vivien Gentil, d’Avignon. Le nom en lui-même ne m’est pas inconnu puisque des Gentil, il y en a un bon paquet sur l’album. Nous retrouvons en effet une certaine Aline Gentil, et un Sacha Gentil qui a d’ailleurs participé au dernier album d’Alcest. Donc, peut-être une histoire familiale, sans savoir exactement laquelle je trouve cela assez cool ! Et nous avons aussi une certaine Charlotte Cartier, qui, quant à elle, est créditée sur l’album. Voilà ! Donc, une sortie qui ne laisserait personne indifférent si l’on creusait à ce point-là. On y va ?

Pour votre information, la pochette est celle qui illustre une deuxième sortie en digitale la même année 2023. La première étant avec une figure féminine un peu style pictural, la deuxième est une photographie probablement du principal intéressé de dos, debout sur une souche d’arbre tombé au sol. Le protagoniste, qui porte une tenue très évocatrice de la mouvance musicale black metal, tient une corde en contemplant soit le vide devant lui, soit l’horizon. Ce que je trouve très intéressant dans cette photographie, c’est le contraste entre l’ombre évoquée par le titre de l’EP « Noirceur Salvatrice« , et l’apparente luminosité de l’artwork. Outre le fait que le ciel semble nuageux, il n’en demeure pas moins que les nuages ne sont pas opaques à la lumière du soleil et que cette photographie illustre le lien que certains peuvent trouver, dans ce travail d’introspection que je trouve fabuleux dans le black metal, entre la musique sombre et pleine de ténèbres et le côté salutaire qu’ils recherchent. Comme quoi, dans ce style de musique qui casse les codes, on n’a pas nécessairement la notion de bien et de mal qui est clairement établi. On peut en effet ressentir du positif dans cette musique, ou trouver des ressources lumineuses dans la manifeste noirceur qui se dégage. Et mine de rien, cette photographie peut sembler simpliste et commune, il n’en demeure pas moins qu’à mon sens, elle montre toute la quintessence de ce style de musique. L’intérieur de la pochette montre une personne, peut-être féminine, qui est en génuflexion devant notre ami. Bon, là, j’avoue avoir été un peu perdu, peut-être est-ce pour démontrer le côté salvateur et donc idolâtre que peut ressentir cette figure à genoux devant notre protagoniste principal. Mais j’en suis moins convaincu. En tout cas, la pochette remplit à merveille son boulot malgré l’apparente simplicité du procédé photographique. Parfois, avec peu, on fait bien. Et c’est le cas de Cult Martyr, indéniablement ! Contrat rempli.

Quand on connait les habitudes du roster de Black Shadow Legions, on sait pertinemment à quel genre de musique on a affaire. Et manifestement, Cult Martyr ne déroge pas à la règle. L’one-man band propose donc un black metal fort racé, avec toutefois une forte nuance marquée entre une musique extrêmement incisive et violente, brutale parfois même, et des passages ambiants avec notamment un chant féminin clair qui ne laisse pas indifférent. Vous le savez, je suis très sensible à l’aspect duel qu’il peut y avoir dans la musique en général, et notamment dans le black metal. Force est de constater que sur cet album « Noirceur Salvatrice« , Cult Martyr joue la carte à fond. Le nom de l’album et la pochette mettaient déjà dans l’ambiance, la musique finit d’achever l’auditeur par sa balance quasiment et chirurgicalement équilibrée entre la noirceur du black metal, couplée avec l’incision caractéristique du genre, et ces passages ambiants en chant clair et en clean qui donnent une coloration étonnante d’espoir, d’onirisme et de luminosité. Je me perds un peu dans mon analyse en pensant que c’est un album et donc en considérant que c’est trop court, mais comme c’est un format EP, j’essaye de ne pas digresser. Mais concrètement, « Noirceur Salvatrice » est trop court. On reste sur notre faim tant la musique black metal nous entraine dans un mélange profond de marasme et de lumière, tant les émotions explosent littéralement. Rarement un album du label ne m’aura autant pris aux tripes, ne m’aura autant piégé dans les filets de l’authenticité artistique. La musique en elle-même ne révolutionne rien, techniquement et sur la composition, puisque l’on reste sur du tout cuit. Le curseur est placé sur un black metal old school, classique, limite raw dans son approche sonore, donc sur un style qui rebuterait les personnes désireuses de quelque chose de frais et moderne, ce gros mot. Mais on touche du doigt ce fameux supplément d’âme qu’on recherche tous dans la musique. Cult Martyr proposait donc en 2023 un EP qui m’aurait très certainement plu, et qui, pour preuve aujourd’hui, me plait énormément. Non pas que ce soit une production aisée d’approche, mais pour des raisons intimistes et personnelles, j’adhère et j’adore.

Bien évidemment, quand on connait le roster de ce label qui me sied toujours autant, il faut aborder la musique dans une globalité indiciblement raw dans son intention, mais pas nécessairement dans l’entièreté de son son. Il convient donc de préciser que la production de Cult Martyr ne dérogera pas complètement à la règle. Au diable les productions aseptisées ! Certains savent que je suis chanteur d’un groupe qui a de l’ambition, et qui se pare notamment de productions propres. Cela ne m’empêche pas d’adorer les sons bien garage comme pour « Noirceur Salvatrice« . Je suis après tout un nostalgique de la première heure malgré mon âge peu avancé. On a donc ici un stéréotype parfait de ce que Black Shadow Legions est capable de sortir avec une force de recherche qui me laisse envieux. J’apprécie néanmoins avec force d’esprit l’alternance entre ce black metal qui sonne raw et les parties éthérées, avec les chants clairs, qui permettent de donner une coloration poétique et atmosphérique, sans de dépareiller de la noirceur inhérente qui fait le concept de cet EP. On pourrait penser qu’il s’agit d’un simple assemblage de deux styles de musique, mais si l’on s’amuse à décortiquer les compositions, on trouve des connexions intelligentes entre les deux productions ! Alors, au-delà de « Noirceur Salvatrice » qui ravira les amateurs puristes de black metal, population qu’indéniablement Black Shadow Legions vise encore, c’est un constat qui prévaut aujourd’hui : ce label ne cesse, malgré sa constance et ses codes de sélection, de me surprendre. Une vraie poésie dans la crasse.

J’ai l’impression de me répéter dans cette chronique mais ce que je recherche dans la musique en général, peu importe les styles par ailleurs, ce sont les émotions. Je faisais une digression sur les productions aseptisées, il n’en demeure pas moins que derrière mon sarcasme qui sonne faux, certaines productions de cet acabit véhicule parfois des émotions. Mais par essence, la musique black metal à la Cult Martyr dépasse le cap de la simple émotion. C’est une sorte d’intimité totale dans laquelle on entre quand on écoute un EP comme « Noirceur Salvatrice« . D’ailleurs, n’est-ce pas une sorte de manichéisme de parler de noirceur dans le black metal ? Je m’interroge. En tout cas, si vous êtes éduqués comme moi à appréhender la musique avec des émotions, même si le son de cet EP peut rebuter la plupart des non-initiés, forcément, vous allez tomber dans cette marmite la tête la première. Cela parle incontestablement de soi, et pas un concept-album n’est plus sincère et authentique que ceux-ci comme Cult Martyr. Un excellent EP qui signe un excellent retour !

J’ai juste un petit reproche à faire, qui n’en est pas réellement un en fait. Plus l’expression d’une sorte de frustration. Je trouve qu’il n’y a pas assez de chant saturé. D’autant plus qu’il est finalement de très bonne qualité pour ce type de black metal. Choix étonnant quand on sait qu’il y a quand-même, approximativement, une égalité entre les parties metal et clean, voire atmosphériques. Et il y a une dominance de chants clairs que je trouve évidemment très bonne, mais qui ne laisse pas assez de place au chant saturé qui aurait mérité une plus grosse place. Je pense qu’à vouloir trop mettre la lumière en exergue, notre sieur Béki en a oublié des fondamentaux. Peut-être serait-ce opportun d’y accorder plus d’attention la prochaine fois.

En résumé de cette chronique, Cult Martyr se voit rééditer son EP nommé « Noirceur Salvatrice« , sorti initialement en 2023 et réédité par Black Shadow Legions pour cette année. Preuve que son gérant, éponymement nommé Black Shadow, a le nez fin, cette réédition tombe à pic pour me faire découvrir un fort bel ouvrage ! Musique estampillée logiquement black metal, un peu moins raw qu’à l’accoutumée du label, il a surtout la particularité de procéder à un placement judicieux de parties claires, en chant notamment, Béki étant entouré de trois choristes pour cet EP. Ce qu’il faudra retenir selon moi de cet EP, outre la musique incontestablement réussie et intéressante, c’est le caractère manichéen qui transpire. Cette fameuse dualité que nous connaissons tous, que nous cherchons nous, musiciens, à mettre en musique pour la faire vivre et la faire comprendre par des interlocuteurs qui se reconnaissent intérieurement dans ce combat psychique et philosophique. « Noirceur Salvatrice » porte bien son nom : on peut trouver du salut dans l’ombre. Alors, foncez ! La lumière n’est pas loin. Excellent ouvrage.

Tracklist :

1.     Elle ma lune qui crie     04:14
2.     De torpeur     03:06
3.     Face à toi     03:00
4.     Vague scélérate     02:53

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