Line-up sur cet Album
- Bornyhake : batterie, chant, guitares
- Lady Kaos : claviers
Style:
Black Metal IndustrielDate de sortie:
14 mars 2025Label:
Les Acteurs de l'Ombre ProductionsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10
“Ce n’est pas en rassemblant un borgne et un paralytique qu’on fait un champion de cross.” Charles Pasqua
Désolé, je n’avais pas mieux en citation, je ne voulais pas tomber dans le piège idiot du fameux « au royaume des aveugles, les borgnes sont rois » qui est par ailleurs un proverbe plus qu’intéressant pour comprendre ce qu’il se passe notamment sur les réseaux sociaux et dans le monde d’une manière plus générale. Pour commencer cette chronique, je m’étais fait une réflexion totalement inutile mais qui illustre bien ma capacité innée qui consiste à me questionner sur des détails qui n’ont aucun intérêt particulier autre que de nourrir mon intellect de manière compulsive. Le nom du groupe fait partie de cette lignée de noms qui me laisse curieux parce que, tout d’abord c’est original, ensuite parce qu’on se demande quel est l’intérêt de nommer son groupe ainsi. Cela n’a strictement rien de péjoratif ce que je dis, attention ! Aucune volonté d’animosité de ma part, juste une totale curiosité. Il est vrai que cela fait partie de la même démarche que des groupes comme Viande, Fange, Paracoccidioidomicosisproctitissarcomucosis, etc. Sans compter les différents groupes qui emploient des noms de maladies ou d’organes comme récemment l’album d’Archenterum nommé « Meconium » ou tous ces groupes de grindcore. C’est à la fois fascinant et difficile à comprendre parce que dans certains cas, on ne comprend tout simplement pas l’idée. Appeler son groupe Viande, c’est quand-même étonnant ! Je suis toujours intéressé par l’idée de comprendre pourquoi on nomme son groupe avec tel nom, parce que normalement quand on porte un projet, on le porte jusqu’au nom comme Houle qui parle de l’univers marin, Galibot ou Silicose qui sont directement en lien avec l’univers de la mine. Nommer son groupe est donc, quelque part, un acte fondateur et plus encore, fondamental. Parfois, j’en viens tout simplement à me dire que l’on appelle son groupe pour des raisons toutes bêtes de prononciation. C’est vrai que clamer fièrement sur scène un nom de groupe, si l’on peut le faire avec une prononciation qui amène à l’harangue ou à la communion, cela a quand-même de la gueule ! Je me vois bien scander un nom comme le fait Houle quand il arrive sur scène, ou comme Les Bâtards du Roi qui le font juste avant de démarrer leur set. Comme quoi, on ne le dira jamais assez mais un groupe doit bien choisir son nom ! Ce sera la conclusion de mon introduction pour parler de cet album qui sort aujourd’hui officiellement et dont je suis très fier d’en faire la chronique. Et le nom de groupe qui m’a soulevé ce questionnement finalement plus philosophique qu’autre chose, si l’on exclut son manque criard d’utilité, c’est Borgne et son dernier méfait nommé « Renaître de ses Fanges« . Vous voyez le truc d’ici ? Clamer avec une hargne monstrueuse le mot « borgne », cela doit amener un effet terrible sur le public.
L’histoire de Borgne, c’est un peu chez Soil Chronicles une sorte d’adultère, ou pire encore, du bon copain qui pique la fille que tout le monde dans la bande veut draguer en soirée. Parce que chez nous, il y a l’éminent et truculent Chris Metalfreak, patron que j’érige souvent au rang de Grand Mamamouchi, qui est un gros gros fanatique de Borgne. Et comme j’honore avec plaisir mon partenariat étroit avec Solstice Promotion et de facto, les Acteurs de l’Ombre Productions, la chronique de « Renaître de ses Fanges » m’échut, comme on gagne le gros lot sans jouer au Loto en quelque sorte. Mais alors, qui est ce groupe qui cause autant de conflit chez nous ? Borgne est un groupe suisse, qui contrairement à son camarade Versatile récemment signé sur le roster du label nommé plus haut, a déjà été produit sur le dit label. Venant de la belle ville de Lausanne (et de ce lac absolument magnifique), le groupe existe depuis 1998 ce qui commence à faire une belle carrière avec par ailleurs pas moins d’onze albums studio, un EP, deux splits et deux compilations. Détail curieux : Borgne a mis neuf années pour sortir quelque chose après son premier album, et il n’a pas fait les choses à moitié puisque la même année 2007, deux albums sont sortis. Au regard de la discographie, ne serait-ce qu’avec les noms des projets, on sent une réelle évolution qui continue probablement ce jour, des remises à plat et cela, je trouve que c’est important. « Renaître de ses Fanges » s’annoncerait-il du même acabit que le précédent que j’avais trouvé très bon ? Nous verrons. Nous verrons surtout si le boss Metalfreak aura les boules de s’être fait passer devant cette fois (rire sardonique).
Dernièrement, concernant le label, j’ai fait la chronique de Räum pour laquelle je ne vantais pas l’artwork. Ici, force est de constater que ce dernier me plait tout particulièrement. C’est un procédé d’artwork que l’on voit de plus en plus percer dans le milieu des pochettes, et certains en ont fait une vraie identité comme Macchabée Artworks dont j’admire le boulot, qui aime mettre en scène des personnages à caractère mystique. Ici, Borgne se pare d’une imagerie très macabre mais avec une dimension aérienne, mystique voire ésotérique qui me sied beaucoup. En témoignent donc ces pierres tombales qui semblent surplomber des montagnes immenses, sur un décorum forcément qui reprend les sempiternels codes pour illustrer un cimetière, en dehors des pierres tombales évidemment. Vous avez des corbeaux un peu partout, et cette âme qui s’élève dans le ciel pendant que trois spectres forment une sorte de procession funèbre, comme pour faire une prière commune. L’intérieur du CD reprend quelques détails agrandis de la pochette, sans plus. J’aime beaucoup l’artwork qui pourtant reprend des codes déjà utilisés partout parce qu’on sent un gros travail de cohérence avec l’idée de « Renaître de ses Fanges« . Même si le côté péjoratif du mot « fange » qui, je le rappelle, signifie « ce qui souille moralement » mais aussi une boue liquide et sale, ne semble pas transparaitre dans le côté élévation spirituelle que présente la pochette, je trouve qu’il y a peut-être une idée selon laquelle l’on peut devenir positif grâce aux erreurs morales passées. J’apprécie plus spécifiquement le contraste entre la noirceur et la lumière que l’on voit sur la pochette, cette dualité faisant partie intégrante de mon inspiration musicale dans un de mes projets. En plus, je ne sais pas si c’est fait exprès, mais la fange venant de la terre, et les morts finissant souvent sous terre, je trouve le lien original et intéressant ! Bref. Vous l’aurez compris, j’apprécie tout spécialement la pochette, que je trouve très parlante, plus qu’on ne le croirait au regard du manque de recherche dans la forme, mais finalement tout prend sens avant, pendant et après l’écoute de la musique de Borgne. Il y a de la noirceur mais aussi de la lumière, et chez moi cela fait mouche tout de suite.
La première écoute de la musique m’a tout simplement mis une claque phénoménale. Borgne fait rapidement feu de tout bois avec une musique résolument black metal industriel mais avec toutefois quelques passages « symphoniques » et ambient qui méritent totalement que l’on s’y attarde dessus. On en reste tout de même sur un black metal extrêmement rapide et incisif, basé sur un tempo élevé, avec des sonorités de guitares qui font effectivement très « métalliques » comme l’on en trouve sur du metal industriel quand les instrumentations metal ne servent pas qu’à une base rythmique, le tout sans basse trop mise en avant (voire peut-être aucune) pour garder ce côté un peu robotique et surtout très démoniaque, une batterie manifestement programmée qui sera, vous le lirez plus bas, mon seul point de profond désaccord s’agissant de la composition. Les parties aux claviers m’ont en revanche fait un effet que je n’avais pas atteint depuis longtemps en matière de metal industriel ou symphonique, même si concernant ce dernier adjectif, c’est un peu plus relatif quand-même. J’adore le côté tantôt grandiloquent des samples, tantôt le côté plus industriel, tantôt les moments ambient en particulier en fin de piste, offrant d’ailleurs un liant entre les morceaux qui permet d’écouter l’album « Renaître de ses Fanges » d’une traite sans s’en trouver ennuyé. Mais franchement, je me suis pris une de ces déflagrations, je ne m’y attendais pas du tout. La violence, l’agressivité extrême et franchement exagérée de Borgne dans son black metal ultra blast beat est d’un degré inouï. La musique m’a immédiatement rappelé Aborym en plus agressive, quelques relents Psyclon Nine qui parfois s’aventurent aussi dans cette forme d’ultraviolence, mais Borgne rajoute en supplément une louche gargantuesque de noirceur et de démonisme comme l’avait fait Corpus Diavolis l’année dernière, le tout avec donc cette sonorité industrielle qui me plait depuis toujours. Je trouve que le black metal mélangé au metal industriel peut aller vers des sentiers d’une noirceur rare et terrible, et « Renaître de ses Fanges » ne va pas me faire affirmer le contraire. Tout cela pour dire qu’en première écoute, oui. Je me suis pris une patate de forain. J’étais loin d’imaginer que Borgne ferait aussi bien que le prédécesseur de « Renaître de ses Fanges« , et force est de constater que les suisses ont élevé – sans jeu de mot – son niveau encore davantage. Énorme !
La production est globalement de fort belle facture, Borgne faisant comme je disais la part belle à la dimension industrielle à sa musique dans les sonorités. On sent que la composition est assurée en bicéphale, avec Bornyhake qui fait la majorité du boulot accompagnée non pas d’un batteur comme cela aurait été selon moi opportun, mais d’une claviériste nommée Lady Kaos pour justement amener quelque chose en plus. Et c’est là que j’ai un bémol à émettre. Vous le savez, je suis un fervent défenseur du principe de se faire accompagné d’un batteur dans son projet solo, ou duo, car la batterie est véritablement un instrument majeur pour marquer les rythmiques qui sont essentielles dans le metal en général. Or, les parties batterie qui sont proposées ici par Borgne atteignent un degré de rapidité au tempo à la double pédale que je trouve fortement exagérée, quasiment pas naturelle et dont je doute qu’un batteur soit capable de reproduire en tant que tel sur scène, notamment sur la durée aussi, sauf un super batteur de génie, et encore… Cela démontre bien qu’un batteur à part aurait été vraiment utile. Même si sur de brefs instants le côté explosif total de la musique de « Renaître de ses Fanges » m’a soufflé et scotché, pragmatiquement parlant, on est en droit de se demander quel est l’intérêt de composer une musique studio que l’on ne pourrait probablement pas reproduire fidèlement sur scène… Mais bon. En revanche, la production qui entoure les instrumentations metal et les claviers, je la trouve exceptionnellement bien travaillée. On retrouve un côté old school dans le black metal industriel des années 90 / 2000, avec même quelques relents lointains du black metal tout court de cette époque, et Borgne a démarré finalement dans cette vague. Je ne suis donc pas spécialement surpris, mais je suis émerveillé par les sonorités. Les claviers sont époustouflants, dans toutes les formes. Le choix de banque son est essentiel et ici, c’est d’une franche réussite et d’une grande intelligence ! Musique conseillée pour amateurs soit d’ultraviolence, soit de noirceur terrifiante, soit pour les nostalgiques. Moi, je cumule les trois sur ce coup-là. Donc hormis la batterie qui me semble être une tromperie, pour le reste c’est du boulot excellentissime !
On parlait de dualité tout à l’heure sur le bien et le mal si l’on compare de manière plus intuitive la lumière et l’ombre que prône Borgne sur cet album. Je pense que c’est une des bases fondamentales pour faire de la musique metal car elle offre une grande place à l’expression des émotions. Or, quand on écoute « Renaître de ses Fanges« , on comprend tout de suite que l’on a derrière le vernis très clinquant de la violence et du son industriel, une véritable expression des émotions. D’ailleurs, les textes écrits en français permettent d’étayer mon propos puisqu’ils sont très intelligibles, ce qui est rare dans le black metal. Et puis, on ne va pas se mentir. Borgne est un groupe qui a maintenant presque trente années d’existence, le duo est loin d’être des petits jeunes naïfs et débutants, il va donc de soi que le groupe qui en plus sait prendre le temps qu’il faut pour sortir un album, ne va pas nous pondre un album lambda. Mais je ne pensais qu’après onze albums, « Renaître de ses Fanges » pouvait encore avoir autant de choses à transmettre sur le plan des émotions et de la musique. La dualité entre l’ombre et la lumière se ressent fortement au travers des passages extrêmement sombres et oppressants et des passages qui changent soudainement d’accords et qui vous plongent dans une sorte de spiritualité à la fois violente (toujours violente) mais dissonante. Résultat : on a donc un album d’une richesse rare dans le domaine du black metal industriel, qui raconte tout du long quelque chose de prenant et de saisissant même, et qui transpire par tous les pores musicaux d’une sorte de transcendance artistique. Borgne sort donc avec « Renaître de ses Fanges » un des albums de l’année sur le roster des Acteurs de l’Ombre Productions et fait de l’ombre à certaines sorties très mises en avant, nettement. Encore faudrait-il que les suisses jouissent d’une reconnaissance qu’ils mériteront…
Je voulais comme d’habitude parler du chant parce que dès les premières vocalises, j’ai tout de suite pensé à des mecs comme RMS Hreidmarr dont apparemment la technique vocale est assez rare de ce que j’ai compris, et surtout du chant que l’on trouve sur certains albums du groupe international Druzhina qui m’a toujours fasciné par justement ce gros travail mystique que peut aussi proposer Borgne. Un chant classique pour du black metal mais avec une profondeur gutturale qui ne laisse pas indifférent tant on a le sentiment que tout est dégueulé parfois avec une certaine puissance. J’aime surtout l’aspect démoniaque du chant, qui s’offre une belle profondeur dans le mixage tout en parvenant à rester compréhensible pour les paroles, et j’y suis de fait très sensible. Maintenant cela reste classique mais efficace dans ce style black metal industriel.
Pour conclure, Borgne qui commence à prendre la stature de vétérans si j’ose dire dans le milieu underground, amène une onzième offrande musicale nommée « Renaître de ses Fanges » chez Les Acteurs de l’Ombre Productions. Qui dit onzième album dit forcément ou presque gage de qualité. Le résultat m’a tout simplement époustouflé. Fort d’un black metal industriel avec quelques incorporations judicieuses de symphoniques et d’ambient, mais surtout d’une violence et d’une dimension démoniaque inouïes, le duo suisse nous dépose tout simplement ici un des albums de l’année pour moi. A part cette batterie que je trouve trompeuse mais qui en studio nous balance une déflagration rythmique incroyable, la musique en elle-même est surtout un subtil mélange entre une ultraviolence manifeste, une part de noirceur inhérente au style mais aussi et surtout, cachée derrière ce vernis duel, des émotions et des états d’âme qui sont bien métaphorisées pour qu’on n’ait envie d’y aller davantage dans la compréhension. Maintenant, les voies du Seigneur sont impénétrables et il convient de laisser une part de mystère à Borgne pour continuer à adorer la musique. Mais c’est absolument un album exceptionnel, qui m’a offert la claque que je n’avais pas atteint depuis un moment dans le genre black metal industriel.
Exceptionnel.
Tracklist :
1. Introspection du néant 04:21
2. Comme une tempête en moi qui gronde 08:50
3. Même si l’enfer m’attire dans sa perdition 10:54
4. Condamnée à errer dans les méandres 06:45
5. Ils me rongent de l’intérieur 08:30
6. Dans un tourbillon de douleur 08:19
7. Un espace hors du temps 07:41
8. Royaumes de poussière et de cendre 09:36
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