Baroness – Yellow & Green

Le 23 septembre 2012 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


John Dyer Baizley : Chants, Guitares, Basse, Claviers, Illustration
Allen Blickle : Batterie, Percussions, Claviers
Pete Adams : Guitares, Chants

Style:

Progressive Sludge Metal/Progressive Rock

Date de sortie:

2012

Label:

Relapse Records

Note du Soilchroniqueur (Tremens) : 6/10

Dire que le dernier album du groupe de Savannah était attendu par les fans et la critique est un euphémisme, tant leurs colorés opus précédents « Red Album » (2007) et « Blue Record » (2009) avaient pratiquement fait l’unanimité des seconds à l’époque (Albums de l’Année à tout va), et avaient divisé les premiers quant à leur scission marquée d’avec les trois EPs (« First », « Second » et « A Grey Sigh in a Flower Husk ») qui les avaient fait connaître. Dans tous les cas, le sludge progressif unique de Baroness a marqué les esprits, et l’annonce en début d’année d’un album double pour cet été a fait saliver tout ce beau monde, et la saison des spéculations était ouverte. Aurions-nous droit à un album concept progressif laissant le champ libre aux envolées psychédéliques à peine entrevues par le passé ? Une collection de titres plus abrasifs sur « Yellow » et plus pastoraux ou aventureux sur « Green » ? Un prétentieux élan boursouflé venant d’un groupe en voie de se perdre ?

Au final, rien de tout cela ; il s’agit ici non seulement d’une collection de titres sans liens entre eux, dispersés de manière égale sur chaque disque pour aérer l’ensemble(1), mais aussi de leur album le plus structurellement conventionnel, constitué principalement de morceaux au format classique couplet / refrain connu de tous. Pourquoi tant de titres ? « Nous en avons composé un sacré paquet. Ou du moins entamé plusieurs. Nous en avons commencé une trentaine je crois, et nous avons fini avec dix-huit(2) », dixit John Dyer Baizley, leader de la formation. Pourquoi deux CD ? Pour aérer l’ensemble oui, mais aussi pour permettre à « Yellow » et à « Green » d’être écoutés séparément en tant qu’entités quasi-distinctes (3). Quasi seulement, car vu l’homogénéité de l’ensemble, deux morceaux auraient pu être facilement interchangeables d’un disque à l’autre sans en troubler l’expérience. Il ne s’agit donc pas de deux albums pour le prix d’un, mais bien d’un album avec entracte.

Ce qui frappe à la première écoute de « Yellow & Green » est l’adoucissement du ton, tant dans les instruments qu’au chant. En effet, l’élément metal est ici plutôt feutré, laissant la place à un rock plus mélancolique et introspectif que par le passé. « Take my Bones Away », première chanson lancée en pâture sur Internet, est le titre le plus lourd et l’un des deux titres les plus distinctement « Baroness » de l’opus, alors les puristes seront prévenus. Exit donc les cris, exit le sludge, exit les structures relativement complexes de « Red » ou de « Blue », nous avons affaire à un album sobre et direct. Ce qui ne serait pas un problème en soit, si « Yellow & Green » était à la hauteur de ses intentions.

Car là gît le problème : l’ensemble est d’une inégalité marquée, mise en évidence dès que le plaisir de la découverte est dissipé. Déjà, même s’il est parsemé de quelques jolies petites perles illuminant les deux disques à parts égales (difficile de dire lequel de « Yellow » ou de « Green » est le meilleur), ces dernières ne marqueront toutefois pas les esprits pour les années à venir. On saluera donc les galopantes « March to the Sea », « Sea Lungs » et « The Line Between », qui sont d’une simplicité efficace. « Cocainium », que n’aurait pas renié Steven Wilson pour un B-Side, sera pour plusieurs le point culminant du Baroness nouvelle formule, avec ses passages intenses qui en incitera plus d’un à headbanger en concert (fait rare sur cet album, vous l’aurez compris). Plus intimes, on notera « Collapse », d’une touchante délicatesse, l’instrumental bucolique qu’est « Stretchmarker », et le refrain de « Foolsong » qui se rapproche délicieusement du Damnation d’Opeth. Sans oublier le petit morceau de bravoure indie rock qu’est « Little Things », possiblement imputable en partie à l’influence de John Congleton (producteur, ingé son et mixeur d’Explosions in the Sky, entre autre) qui supervisa l’enregistrement de l’album. Le reste de l’album n’est malheureusement pas à la hauteur relative de ces titres, qui admettons le, ne révolutionnent pas grand-chose au départ.

« Yellow & Green » provoque, en effet, une vague forme d’ennui qu’une écoute répétée ne saurait faire disparaître. Le vocal y est certainement pour quelque chose : bien que Baizley et Adams forment un binôme se complétant bien (une grande partie de l’album est chantée à deux), la limite de leur talent de chanteurs et leur manque de flair mélodique jure avec la qualité des compositions et gâche même les beaux moments qu’auraient pu être « Back Where I Belong », « Twinkler » et « Mtns. (The Crown and the Anchor) ». La mélancolie mentionnée plus haut, omniprésente, est plus naïve que touchante, et finit par irriter l’auditeur par son manque de subtilité lors de certains passages et la faiblesse du registre des deux chanteurs. En ce sens, « Eula » est sans doute le titre le plus amène à démontrer comment Yellow & Green n’est pas ce qu’il aurait pu être. Tragiquement épique, titre le plus long de l’album (6 :47) et situé à la toute fin du premier disque, on sent que Baroness misait sur lui pour conclure le premier acte avec un « bang! » destiné à nous scotcher sur notre clic-clac. Or, nous avons surtout droit à une bonne dose de pathos chantée par deux hommes incapables de nous garrotter les tripes avec leurs cordes vocales (…le pathos est contagieux) et un combo synthé/guitare mélodramatique le faisant tomber à plat. Ajoutez à tout cela trois instrumentaux quelconques, un « Board Up the House » qu’on pourrait qualifier de Blue Record du pauvre et un « Psalms Alive » à l’intro épouvantable et au refrain semblable à une comptine pour enfants dépressifs et qu’obtenez-vous ? Un album dont l’exacte moitié des titres auraient pu passer à la trappe sans trop choquer personne, à un ou deux instrumentaux près pour introduire et conclure le tout peut-être. Constat mitigé, donc décevant, pour un groupe au talent aussi indéniable dont la sincérité, voire l’intégrité, n’est pourtant pas ici remise en cause. On sent que Baroness a accouché de l’album qu’il désirait. Que la prochaine offrande du groupe reste dans le même registre n’est absolument pas un problème. La prochaine fois sera peut-être la bonne. Il faudra seulement que quelqu’un leur dise d’apprendre à varier les plaisirs niveau thématique, et surtout, surtout, d’apprendre à chanter, à défaut de gueuler.

 

(1) http://www.cmj.com/feature/qa-baronesss-john-baizley/

 

(2) http://www.guitarworld.com/interview-ba … llow-green

 

(3) op. cit., entrevue CMJ

 

 

 

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