Allegaeon – Damnum

Le 5 avril 2022 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Greg Burgess – Guitares / Michael Stancel – Guitares / Riley McShane – Chants / Brandon Michael – Basse / Jeff Saltzman – Batterie Guest : Tommy Bonnevialle – Piano sur 7.

Style:

Technical Melodic Death Metal

Date de sortie:

25 février 2022

Label:

Metal Blade Records

Note de la SoilChroniqueuse (Migou) : 9,5/10

 

Cette semaine, dans les aventures de Mémé : “Quand Mémé fait un tour en fanatisme”
Allez Gaeon ! Allez Gaeon ! Alleeeeeeez !

Mémé avait passé ses petits poings à la peau ridée dans d’énormes pompons roses pailletés. Ses jambes menues étaient cintrées dans un legging holographique alors que sur son buste, elle avait enfilé un t-shirt à l’effigie d’une licorne et portant l’inscription Death Metal. Elle sautillait en criant et secouant les pompons d’où jaillissaient des éclairs de lumière captée au soleil naissant de l’équinoxe vernal.

Allez Gaeon ! Allez Gaeon ! Alleeeeez !”, criait-elle à tue-tête.

La scène vous semble surréaliste ? Alors imaginez ma tête quand je suis arrivée à toute berzingue en me demandant qui avait pu inviter Yoko Ono en nos murs. Point de Yoko, mais une Mémé en grande forme !
Et pour toute excuse, elle me tint ce discours :

Que veux-tu, Migou, si j’existe, c’est d’être fan, eh oui… d’être fan ! (*)
– Okay, Mémé, j’ai bien compris que tu es fan… mais tu es fan de qui, là ?
– Allegaeon, ma p’tite chérie. Si à 20 ans tu n’as pas d’Allegaeon chez toi, tu as raté ta vie ! Allez (Gaeon !), viens ici que je t’explique un peu

Il y a quelques jours, Mémé ronchonnait à propos d’un groupe canadien de Tech Death (celui avec Dominque F.Lapointe mais chuuut ! On ne va pas balancer) dont elle raffolait et qui l’avait déçue quand son frère, que tout le monde appelle Papy les bons tuyaux, lui glissa un album qui la mit d’entrée de jeu en joie. Damned ! Damnum venait donc de sortir ! Damnum, le 6ème album des p’tits gars de Denver. Mémé a beau être un vieux dinosaure, elle en croquerait bien, tant elle est fan depuis le premier album sorti en 2010.

Avec la précision d’un coucou suisse, les albums se sont enchaînés tous les 2 ou 3 ans. C’est d’ailleurs amusant, de noter la parité entre les 3 albums avec Ezra Haynes et les 3 avec Riley McShane, l’actuel vocaliste. Pour l’occasion, Mémé a réenquillé toute la discographie, histoire de suivre l’évolution. Autant nous étions, pour la première partie, dans un univers plus tech death mélodique assez fun (y a qu’à voir les clips déjantés), avec un Ezra au growl bien présent et plus grave que celui de Riley. Autant ce dernier présente d’autres avantages dans la gorge, dont une voix claire à faire se damner Einar Solberg (si si, j’ose aller jusque là), mais pas seulement.

Damnum mérite des tonnes d’écoutes, à vrai dire. A la première du titre phare, sorti en guise de teaser, “Vermin”, Mémé avait tiqué sur le growl qui pour elle n’était pas net, comme s’il était dû à un son trafiqué. Mais au fil de l’album, elle s’est rendue compte de son erreur. Dans “Only Loss”, Riley a tenu à lui démontrer son growl de la mort qui tue bien gras. Ainsi qu’une voix grind et une autre criée, façon core. Les voix se mêlent et s’entremêlent, allant jusqu’à se doubler, provoquant une sensation de grouillements. Que dire de cette intro sur le deuxième titre, “Of Beasts and Worms”, avec ces chuchotis parlés sur fond de nappes d’orgue, laissant place au refrain chanté aussi clairement que doucement, ayant pour conséquence de rendre le cri growlé à suivre encore plus déchirant ? C’est ça, Allegaeon !

Allegaeon, c’est nous perdre constamment : nous perdre dans des évolutions qu’on n’avait pas imaginées, mais qui sont finalement très logiques ; nous perdre dans des constructions léchées, aux multiples détails, dignes des vitraux de Notre-Dame ; nous perdre dans les entrelacs des voix ; nous perdre dans les émotions, les tempi, les instruments et les orchestrations. D’un coup d’un seul, mais sans que cela ne fasse calqué, à la différence d’autres groupes de tech death mélodiques canadiens (rhaaaaa ! Mémé, tais-toi !), on fait face à un solo de guitare sèche classique, version Django Reinhardt, et un peu plus tard, on pratique un exorcisme en criant « Alexandre Lagoya, sors de ce corps ! » (allez – Gaeon ! – écouter l’intro de « Bastards of the Earth »). Sans oublier les répliques plus axées prog et jazzy entre les guitares, comme dans « To Carry My Grief Through Torpor and Silence ».
Et on est là, on est bien, bercé, c’est tellement beau, apaisant, qu’on ne voit pas la mandale arriver avec la reprise de l’artillerie lourde.

Ils nous perdent également dans les myriades d’éléments dont ils empruntent les clés aux divers genres et sous-genres, afin de régurgiter du Allegaeon en recherche constante d’évolution. Dans Damnum , qui se traduit par « la perte », nous avons des éléments de death technique. C’est de la virtuosité au service de l’émotion, à la différence de…. (chut ! Mémé, ça suffit!). Et l’émotion se retrouve également dans les multiples lignes mélodiques, riffs et soli. C’est riche, foisonnant, un death mélodique dont la qualité d’écriture pourrait faire pâlir jusqu’aux plus classiques des compositeurs. Revenez-y plusieurs fois, encore et toujours, et vous trouverez des mises en place qui capteront votre attention, rendant chaque écoute unique. On a des passages progressifs et clairement jazz, d’autres qui vont puiser dans le flamenco ou le « jazz manouche ». Une voix core, une pincée de grind… Pfiouuuuuu ! On pourrait frôler l’indigestion. Mais non, même pas ! On est là, happé, à bouger non seulement de la nuque, mais du popotin et du bassin itou. On se déhanche. Elle peut, Mémé, elle vient d’en avoir une bionique !

Mémé a tout de même eu peur que le groupe se « leprousise ». On a bien plus de passages ultra mélodiques en voix claire que dans les précédents albums, même si on sentait déjà le virage pointer le bout du nez dès « Proponent for Sentience » (2016). Mais le growl reste bien présent, et les autres musiciens ont autant leur note à dire que Riley McShane. Surtout, Greg Burgess, dernier membre du line up original, et Mickael Stancel, tous deux aux guitares. Mais les autres ne sont pas plus en retrait. Il est à noter une rythmique nouvelle, bien velue, qui blast tout en sachant moduler. Et saluons au passage l’arrivée de Jeff Saltzman derrière les fûts. Pour la première fois, tout le groupe a participé à la composition des titres. Cela permet de garder un équilibre entre la virtuosité de chacun. Ce n’est pas un groupe à solde d’un seul membre. La ligne de basse de Brandon Michael dans « The Dopamine Void, part II », en est un exemple.

On retrouve la perte (Retrouver la perte… c’est amusant comme concept !) dans les divers thèmes de l’album. Les paroles ici ne sont en rien anecdotiques. Et les voix et mélodies servent les changements d’ambiance que les paroles impliquent aux chansons. La perte… Jusqu’à la celle réelle – par suicide – d’un ami proche, la musique agissant alors comme catharsis. « Called Home », au milieu de l’album, comme un point névralgique, est une pépite à part, un moment suspendu…

Tu vois, ma p’tite Migou, Allegaeon, c’est du tech death mélodique, qui se sert d’influences variées, allant du classique (écoutez donc le piano sur « Blight »!), au jazz, en passant par le core et le prog et bien d’autres. Ils nous perdent et nous retrouvent toujours, pour nous perdre à nouveau, comme un jeu pervers auquel on veut se soumettre les yeux bandés.
Et Damnum est à la croisée des chemins. Quelle(s) direction(s) vont-ils choisir ? Allons-nous poursuivre notre virée ensemble ? Mémé a hâte de découvrir le suivant pour répondre à ces questions, tout en gardant sur sa face parcheminée un sourire béat de jeune fille en fleur devant le poster de son groupe favori. Le dernier vient à peine de sortir, il faut en profiter pleinement !

Entre amour et haine (bon, d’accord, c’est un terme bien trop fort, mais ça faisait très joliment sentencieux), chacun trouvera des passages qui le transportera et d’autres qu’il rejettera au premier abord… avant d’y revenir et de se dire : c’est tout bon ! Voilà… Allegaeon, c’est tout bon ! Alors, tous ensemble, tous ensemble, crions « AllegaeonAllegaeon ! »

(*Oui, j’ai osé (**)
(**)Oui, j’ai honte !

 

 

Tracklist :

1. Bastards of the Earth (4:32)
2. Of Beasts and Worms (6:31)
3. Into Embers (5:19)
4. To Carry My Grief Through Torpor and Silence (5:19)
5. Vermin (5:11)
6. Called Home (7:40)
7. Blight (5:02)
8. The Dopamine Void, Pt I (2:07)
9. The Dopamine Void, Pt II (5:02)
10. Saturnine (4:42)
11. In Mourning (1:51)
12. Only Loss (6:53)

 

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Chronique « Proponent for sentience« 

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